À mes parents, en marchant le parcours avec vous, entre l'Alzheimer et la démence, le chemin s'égarait dans les brumes argentées de votre vieillesse. Pendant les lueurs fragiles de votre esprit à ciel ouvert, nous nous sommes toujours retrouvés, et dans le processus, j'ai découvert qui je suis.
Je ne l’ai jamais vu sourire quand il peint. Son visage est crispé. Son geste devient brusque. Il se parle tout seul et se critique. Il n’est pas comme ces musiciens qui vivent leur musique et qui font l’amour à leur instrument. Les musiciens de jazz qui sourient en fermant les yeux et qui vont dans une contrée intérieure pour recevoir toute la chaleur de leur musique. Il y a une connexion entre la musique et le corps humain. Un cordon ombilical qui bat la mesure du coeur. La même mesure entre les traverses de la voie ferrée. Ma voie ferrée, comme un long poème gris argenté qui ne finit jamais. Une portée sur deux lignes. Si je perds mes repères et que je ne retrouve plus mes traces turbulentes, j’entends la musique partout. Elle m’aide à tisser un fil d’Ariane aussi vaporeux qu’il soit et me permet de créer des liens pour retrouver mon chemin. La mémoire, c’est comme ça pour moi. Un fil très mince et d’une beauté vulnérable.
Ta mère se rend compte que les choses ne vont pas. Au début, elle ne disait rien. Maintenant, elle oscille entre ses gestes, trébuche dans ses pensées. Je vois l'amertume dans ses yeux. Pour se rassurer, elle a commencé un rituel quotidien.
Soupir saccadé, chagrins dissimulés, Samuelle regardait par la fenêtre avec sa solitude coutumière, attendant qu'on réalise qu'elle était encore là. Le chauffeur n'allait pas tarder. Ce soir, l'ambassadeur de la France organisait une réception pour aanoncer le lancement du nouveau cru de la Commanderie de Bordeaux et il serait de mise qu'elle y assiste.
Ce matin, j’ai paniqué. Gabriel me criait par la tête et je ne savais pas pourquoi. Esperanza me regardait avec des yeux vitrés. Elle s’est souvent interposée entre lui et moi. Cette fois, elle me regardait comme si je venais de faire quelque chose d’inexplicable.
(p. 20)
Parfois, j'ai l'impression d'être égarée, de revivre les soupçons d'un passé qui ne m'appartient pas. Tout me colle aux os. Je manque de courage. Drôle de chose. Dans le mot courage, il y a bien le mot rage. C'est ce que je ressens quand je t'écris.
(p.13)
Malgré l'aspect physique de leur relation, Bertrand savait quelles émotions pouvaient agresser sa belle à son insu. C'était son mantra préféré pour la punir, lui qui très souvent lui reprochait de ne pas être parfaite.
Le désir est sournois et il aime trahir les victimes.