Le mouvement inusité a fait craindre à quelques-uns une invasion du " Féminisme ". On a habillé de ce nom en d'autres pays, il est vrai, bien des audaces et des excentricités qui ne s'acclimateront jamais ici. Pour ne citer qu'un des effets du réveil dont nous parlions, la fondation d'une chaire de littérature pour les femmes, aussi bien que pour les hommes, à l'Université Laval, est venue à la suite des revendications de quelques-unes d'entre elles. Des femmes instruites, lettrées même, nous n'avons pas voulu dire que l'espèce n'en existe pas ; il y en a toujours eu au Canada français.
Au commencement du dix-septième siècle, des marins, et des marchands disséminaient dans toute l'Europe des informations mirobolantes concernant l'Amérique, et plusieurs puissances s'arrogeaient sans scrupule des droits de possession dans le nouveau monde. Les lys des Bourbons, flottant ça et là sur le bas Saint- Laurent et sur les plages de l'Acadie, proclamaient la souveraineté de la France sur l'extrême nord. Alors la question de colonisation devint urgente, et les Français tentèrent une solution qui montre bien l'instinct immuable de leur race en fait d'organisation sociale.
Le temps était propice pour essayer de la colonisation : La féodalité était au seuil de la dissolution ; l'indépendance des seigneurs était menacée, et l'autorité du roi déjà dans l'ombre. Entre les seigneurs qui tenaient leurs terres directement de la couronne, et leurs vassaux, les réels cultivateurs du sol, s'élevait une classe moyenne nombreuse. De riches bourgeois, des artisans à l'aise, des fermiers même, profitant des nécessités, soit du seigneur titulaire, soit de ses intendants, acquéraient de la terre, clef de tous les biens désirables.
Au temps où il restait encore de nouvelles terres à découvrir, les femmes se trouvaient toujours, figurativement parlant, reléguées dans les vieux territoires de servitude ; c'est pourquoi aucun nom de femme n'apparaît parmi les noms de ceux qui ont découvert et exploré les premiers le Canada.
Il est impossible de déterminer l'influence de la femme dans les hardies expéditions de Jean Cabot, de Jacques Cartier et de Champlain, mais, certainement, son rôle n'a été ni pittoresque ni brillant. Dans les fastes de cette histoire, elle se tient à l'écart, douce, modeste, obscure ; sa puissance se sent et ne se voit pas ; c'est le pouvoir derrière le trône.