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Citations et extraits (7) Ajouter une citation
Il y a bien sûr Istanbul, à la fois métropole trépidante de jeunesse et d’audace, et ville-musée, riche de palais splendides ou discrets, de mosquées impériales ou de petits sanctuaires plus accueillants dont le décor – faïences bleues et ocre, plafonds à caissons, repose-livres en marqueterie nacrée – n’est pas toujours moins riche. Ville maritime, où l’on finit toujours par monter sur un bateau où des pendulaires jamais blasés se prennent en photo, partagent leur petit pain avec les mouettes ou rêvent le regard perdu sur la mer capricieuse, les coupoles et les minarets. Ville bruyante, où les muezzins rivalisent cinq fois par jour de vocalises pas toujours bien accordées, où l’offre de bonbonnes de gaz, de petits pains au sésame et le passage du chiffonnier se chantent par-dessus le roulement sourd des voitures. Ville odorante, où il est difficile, de rôtisserie en boulangerie, de marché aux poissons en friture en plein vent, d’oublier son estomac plus de cinq minutes d’affilée.
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Recep Tayyip Erdoğan est embourbé dans les mêmes contradictions. À son arrivée au pouvoir en 2002, il a lancé un authentique mouvement de démocratisation, lié à son souci de lever les discriminations dont souffraient les croyants – ici, tout le monde est toujours démocrate jusqu’au moment où il est en mesure de revendiquer l’hégémonie, pas plus longtemps. Par ce mouvement, qui nous a tout de même libérés de la tutelle de l’armée et par son choix du libéralisme économique, il a ancré plus que jamais la Turquie à l’Europe. La tendance au sécularisme dans ce pays est ancienne – elle a plus d’un siècle – et sans doute irréversible. Désormais, elle est renforcée par la participation turque à la culture mondialisée d’internet, des feuilletons américains, des réseaux sociaux, etc. M. Erdoğan a beau tenter de bloquer twitter, il n’y peut rien. Au bout du compte, lui aussi se mesure dans le miroir que lui tend l’Occident. Comme tous les Turcs, c’est un orientaliste.
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Le village a longtemps été déserté. Une partie de ses habitants sont partis pour des raisons économiques. Mais l’autre moitié n’a pas eu le choix. On peut lire un morceau de son histoire dans le mieux restauré des monuments du village : la très belle église Ayaelena (Sainte-Hélène) qui se dresse là depuis le quatrième siècle. En déchiffrant les lettres grecques qui surmontent son portique, je découvre une dédicace en turc. Les paroissiens qui venaient prier là au début du siècle passé étaient des Turcs christianisés. Cela ne les a pas sauvés. Comme l’ensemble des Grecs d’Anatolie, ils ont été chassés en 1923, échangés en vertu du traité de Lausanne avec les populations musulmanes de Grèce. En tout près de 2 millions de personnes ont été concernées par ces déportations qui ont parachevé le nettoyage ethnique impitoyable commencé par le génocide de près d’un million d’Arméniens en 1915.

Désormais presque entièrement islamisée, l’Anatolie, qui comptait un chrétien pour quatre habitants avant la Grande Guerre, n’était pas normalisée pour autant. Il restait à l’État nation en voie de constitution à digérer quelque 15 millions de Kurdes, proches de leurs voisins turcs par la culture et la religion mais clairement distincts par la langue, dérivée de l’ancien persan et parlée également sur les versants syrien, irakien et persan de la nouvelle frontière. Une entreprise dont l’échec pèse encore lourdement sur la politique turque.
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Je fais référence au fort substrat nationaliste qui sous-tend le sentiment religieux au sein, notamment, de l’AKP. Ce qui s’est passé en 2011 et 2012, au moment des printemps arabes, est significatif de cette tendance. Face aux révoltes et aux espoirs qui se manifestaient à Tunis ou au Caire, le gouvernement s’est imaginé, avec une affligeante naïveté, qu’il pourrait, en quelque sorte, prendre le leadership du mouvement et s’affirmer comme une puissance régionale. C’est-à-dire qu’il a fait une analyse exclusivement nationaliste de la situation. Laquelle a débouché sur un pitoyable échec.

Mais quand on parle d’islam turc, on décrit aussi une réalité historique. Et une division. L’islam sunnite et hanéfite adopté par les Ottomans au quatorzième siècle exclut une partie importante de la population musulmane, et notamment les alévis. Cette composante de rivalité religieuse a perduré jusqu’à aujourd’hui, même si la laïcité kémaliste l’avait mise au second plan.
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Adem Seleş m’expose ses vues sur la religion de ses compatriotes dans un café à narghilé installé dans la cour de pierre d’une maison ancienne, pas loin du cercle d’Ahmet Taşğın. Il est critique. « Regardez autour de vous : c’est un bâtiment historique, sur les murs on a accroché des faïences ottomanes et dans les assiettes, qu’est-ce qu’on vous sert ? Du cheesecake. Tout est comme ça, ici ». En clair, les Turcs religieux ne sont pas épargnés par l’ambivalence culturelle généralement attribuée à leurs concitoyens laïcs. « Ils souhaitent voir l’islam triompher sur l’Occident, mais ils ont en bonne partie rompu les amarres avec leur propre tradition. » Déboussolés, ils font une proie facile pour le nationalisme. « Ils critiquent l’État, mais ils sont prêts à s’enflammer à la seule mention d’un ennemi commun, comme les Arméniens demandant la reconnaissance du génocide ou les Kurdes réclamant l’autonomie. »
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Il y a bien une rupture, mais elle n’intervient pas là où on la situe généralement. La république kémaliste s’est en quelque sorte fabriqué un ancien régime avec l’empire finissant auquel elle succède. Mais le seul réel changement qu’elle a apporté, c’est l’inscription de la laïcité dans la Constitution de 1924. Et encore : c’est en quelque sorte une laïcité de Polichinelle, qui n’a pas de réel contenu séculier puisqu’au moment où elle est proclamée, il n’y a pratiquement plus de non-musulmans sur le territoire.
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Le message central, toutefois, est ailleurs. En 2023, Recep Tayyip Erdoğan escompte bien être toujours au pouvoir, vingt ans après s’y être hissé. Vingt ans, c’est un bail. Le temps de remodeler entièrement un pays. Et c’est bien, personne ne s’y trompe, ce qu’il a entrepris de faire.
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