Ni l’un ni l’autre ne me voit. Pourtant, je suis là, toujours, tout près. On peut presque me toucher. Si. Si on a les doigts assez sensibles, quand ils glissent sur moi, on peut sentir un velours, ou une fraîcheur, ou parfois une chaleur, le chatouillis d’une plume, le trait râpeux d’une langue de chat.
Si on a la joue assez réceptive, on peut frissonner sur mon passage.
Si on a l’oreille assez tendue, on peut s’arrêter de penser, tout bonnement, en entendant mon chant. Si le goût ne nous manque pas, on peut me goûter, parfois sucrée, parfois amère, parfois salée. S’il nous reste un tant soit peu d’odorat, on peut se soûler de mon parfum.
Si on a des yeux pour voir, on ne se lasse pas de mon éclat.
On peut même m’atteindre dans les rêves.
Je suis juste à côté d’eux. L’un a grandi dans mes bras, mais ne m’a pas encore vue. L’autre… l’autre m’a tant aimée, mais ne me regarde plus. Et pourtant, je les suis et les devance, sans cesse.