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Critiques de Sylvie Kandé (3)
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La quête infinie de l'autre rive

C’est dans une troublante expérience littéraire dans laquelle m’a embarquée avec elle Sylvie Kandé. Embarqué est l’adjectif exact qui résume l’aventure que propose la poétesse franco-sénégalaise.



Embarqué.



Je rame. Mes bras deviennent pagaies. Dans la quête infinie de cette autre rive. Je rame. Dans la compréhension de cette langue élaborée. Ces mots médiévaux. Ce parler d’antan. Je rame. A l’écho de ce premier chant épique. A l’écoute de ce projet complètement fou, insensé. Je rame. Car, on évolue à contre courant d’une pensée commune concernant les subsahariens qui veut qu’ils soient peu portés par des projets suicidaires. Je rame. Je pagaie. Est-ce une question de survie? Un grand roi a

décide de traverser l’Atlantique avec deux mille de ses sujets pour l’escorter dans cet acte de bravoure. Incroyable. Insalamable diraient les congolais. Je rame et je finis par faire corps avec cette aventure. 1er chant. 2ème chant. Odyssée grecque. Odyssée mandingue. Ulysse. Aboubakar II. Manden Bori. Le premier avait la prétention de revenir un jour. Qu’en est-il du second? L’important est la traversée. On le sent dans l’envolée et le lyrisme de la plume de Sylvie Kandé.



Le lecteur que je suis, est saisi par le doute. Quel sens donné à une traversée sans fin et sans orientation ? Comment imaginer la détresse de celles et ceux qui pagaient jusqu’à se transformer en statues rongées par le sel. Le projet se déploie devant le lecteur dans sa forme effrayante et ressemblant à ces scènes où dans l’inhumation de certains souverains, ils entrainent dans la mort avec de nombreux sujets dont le cœur bat encore la chamade. Face à un projet mortifère en première lecture, je me questionne sur la conduite de nombres d’états africains. Je vous livre là un ressenti, des préoccupations que ces deux premiers chants poétiques ont réellement fait émerger dans ma réflexion de salon. Elle offre des scénarii multiples pour le final, mais il est parfois des développements qui ne laissent pas d’alternatives crédibles pour l’imagination.



Le troisième chant a une portée différente. Ancré dans l'actualité, il s’inscrit plus dans ce que certains nomment la migrance. Poussés par un désir de survivre, l’action est le fruit d’une fuite en avant, une errance, un échec sur la terre de départ là où le projet fou décrit plus haut célèbre le rayonnement du Manding. Les hommes, les femmes, quelque soit les raisons qui les motivent restent héroïques. Contre vents et marées, ils forcent un destin, domptent ou pas, les colonnes d’un océan dont le ventre a toujours eu de l’appétit.



Quoique l’on puisse en dire, ces trois chants sont avant tout un tour de force en termes de narration, d’esthétique, sur l’imaginaire qu’ils réinventent, sur l’histoire qu’ils questionnent et dans la dimension universelle de la quête de l’autre. Oui, quelque soit la lecture que l’on peut en faire, on est là face à de la grande littérature.

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Gestuaire

Les mots sont importants. Leur sens aussi. Surtout quand la poésie est utilisée pour dire le geste, parler de ce geste cher, du geste lointain. On suit donc Sylvie Kandé dans ses observations précises, millimétrées du geste intime ou du geste historique. Avec une langue chaque fois mise au service de son projet pour scruter. La langue se fait parfois geste, quand par exemple avec le texte Au temps jadis, la poétesse, adapte la langue, les mots pour porter les mots, les mouvements des esclaves, pour dire la relation trouble entre maîtres et serviteurs. Un poème déconstruit qui finit avec ce propriétaire qui meurt dans les bras d’une vieille esclave qui a dû être sa nourrice... Humanité et barbarie. Paradoxe...
Lien : http://gangoueus.blogspot.fr..
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Lagon, lagunes

« L’Afrique – qui fit – refit- et qui fera. » Michel LEIRIS



Les premiers livres publiés dans cette collection bénéficiaient d’une présentation de Jean Noël Schifano directeur de la collection. J’en extrait deux phrases emblématiques « Nous parions, ici, sur les Africains d’Afrique et d’ailleurs, de langue française et de toute langue écrite, parlée et sans doute pas écrite encore, nous parions sur l’écriture des continents noirs pour dégeler l’esprit romanesque et la langue française du nouveau siècle. Nous parions sur les fétiches en papier qui prennent le relais de fétiches en bois. ». Le frontispice des premières parutions a disparu mais l’orientation éditoriale demeure.



C’est après avoir lu de nombreux auteurs, africains, antillais, publiés dans cette collection (et chez d’autres éditeurs), que j’ai souhaité, dans une note aux dimensions modestes, faire partager des plaisirs de lecture et peut-être vous entraîner dans ces espaces si proches et si peu connus. En ces temps d’éphémères, je choisis de puiser dans les premiers ouvrages publiés.



Laissez vous guider par les titres et leurs résonances, passez la porte des jaquettes tachées et entrez dans ces continents, vous y trouverez des écrivain-e-s passionné-e-s et passionnants.



Vous avez peur de l’inconnu, vous chercher des repères, pourquoi ne pas commencer par les deux livres de Boniface MONGO MBOUSSA « Désirs d’Afrique » et « L’indocilité » qui présentent un large panorama d’auteurs, odeurs classiques, fragrances modernes, ténèbres rwandaises, flamboyances congolaises, diaspora et casques coloniaux.



L’écriture des un-e-s vous enchantera, celle d’autres vous fera rire, leurs rêves vous sembleront proches et d’autres si lointain. Contes, récits épiques, aventures, livres accrochés à la vie.



Quelques idées, pour vous mettre l’eau à la bouche, espérances de lectures à venir.



Plongez vous dans la langue savoureuse de Abdourahman WABERI « Transit » qui de Roissy à Djibouti évoque la guerre et l’exil ou « Rift, routes, rails » variations au passé et au présent sur les déserts, les océans et les mythes. Choisissez la langue brutale de la martiniquaise Fabienne KANOR qui dans « D’eaux douces » raconte l’aliénation d’une femme au prise avec les questions identitaires.



Peut-être serez vous attiré par le titre « Ma grand-mère bantoue et mes ancêtres les Gaulois » de Henri LOPES qui revient sur le mouvement de la négritude et s’interroge sur la création, la francophonie, le métissage à l’heure de la globalisation .



Choisissez l’un des romans de Ananda DEVI, originaire de l’île Maurice, par exemple « Soupir » et son premier paragraphe « La terre est enflée comme une langue qui n’a pas bu depuis longtemps. Le sable coule aux pores. Les horizons et les regards sont scellés. Au dessus de nous, le ciel semble ouvert. Mais il n’y a rien d’ouvert, ici. Nous sommes nés enfermés. »



Suivez la quête d’amour de Maya, héroïne de Nathacha APPANAH-MOURIQUAND.



Vous n’aimez pas le foot, que cela ne vous rebute pas d’entrer dans « La divine colère » du camerounais Eugène EBODE, pour y partager sa critique de la compétition et des passions « transformant les stades en crachoir et en cratère de tous les exutoires ».



Que dire de « L’ivrogne dans la brousse » du nigérian Amos TUTUOLA, qui fait figure d’ancêtre de ces littératures. La traduction de Raymond QUENEAU est un régal.



Allez à « Lisahohé » capitale imaginaire mais si réelle du togolais Théo ANANISSAH pour suivre et vous perdre dans une enquête où le narrateur même ne semble pas si innocent.



Rejoignez la tendresse de la gabonaise Justine MINTSA dans « L’histoire d’Awu » à moins que vous ne vouliez suivre le chemin du journaliste qui vous entraînera sur les traces de Lidia do Carmo Ferrerira poétesse dans « La saison des fous » de l’angolais José Eduardo AGUALUSA.



Mais peut-être serez vous plus sensible à la confrontation entre modernité et privilèges ancestraux dans « La révolte du Komo » du malien Aly DIALLO, au récit du congolais Mambou Aimée GNALI et son « Beto na beto, le poids de la tribu » ou au destin de l’aveugle Doumé dans le roman « Le cri que tu pousses ne réveillera personne » du camerounais Gaston-Paul EFFA .



Admirez le portrait dressé de l’île Maurice par Amal SEWTOHUL dans « Histoire d’Ashok et d’autres personnages de moindre importance », ou parcourez l’effacement de la société traditionnelle dans le système colonial de Donato NDONGO dans « Les ténèbres de ta mémoire ».



Je ne veux ni vous lasser si substituer mes propres découvertes à vos possibles lectures.



J’ai gardé pour la fin la mosaïque de Sylvie KANDE « Lagon, Lagunes » et la petite postface si belle de Edouard GLISSANT qui se termine par cette invitation « Je voulais seulement, à cette place, partager avec vous l’insondable et l’imprévisible. Écrire est une divination. Lire ce qui fut écrit, c’est déchiffrer l’énigme. »
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