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Citation de hcdahlem


INCIPIT
JACK
* La neige abolit tout. Une naissance imminente.
Il avait neigé toute la nuit. Je suis sorti réparer la clôture électrique du parc des juments. J’avais repoussé ce travail tant que j’avais pu, mais maintenant, c’était devenu une priorité. Courir après le troupeau un petit matin de printemps, passe encore, mais l’hiver dans le brouillard ou la nuit, non.
Il est tombé au moins vingt centimètres de neige. Elle recouvre le tas de ferrailles rouillées du hangar récupéré il y a des lustres, que je n’ai pas eu le temps de monter, les galets destinés à empierrer le chemin, et même la vieille carcasse de tracteur échouée en contrebas. La neige a gommé les ornières, les traces de véhicules. Autour de ma cabane, il n’y a plus rien. Bizarrement, j’ai l’impression qu’aujourd’hui tout est beaucoup plus simple.
Avec la brouette, quelques outils, un sac de pain, je me dirige vers le pré en coupant par le petit bois. Le parc est devenu une étendue immaculée, bordée d’arbres enneigés, qui restitue la lueur pâle d’un soleil d’hiver. Les traces d’un chevreuil, celles d’un sanglier aussi, à en juger comme le bas-côté a été retourné. Au printemps dernier, la clôture a été arrachée par des chasseurs. J’ai plusieurs fois porté plainte auprès de la compagnie de chasse, sans résultat. Avec la masse, j’essaye d’enfoncer les pieux d’acacia qui rentrent difficilement dans la terre froide. J’attrape un morceau de ruban électrique, je le fixe avec deux attaches, je tends de toutes mes forces. Mon épaule droite m’arrache une grimace.
J’élève des chevaux. Un métier qui suscite de la méfiance, dont personne ne comprend la finalité car il rapporte peu. Je ne possède aucun bien. Hector, mon voisin, résume facilement la situation lorsqu’il a bu, ou que son tracteur tombe en panne (deux cas de figure assez fréquents). Il m’interpelle depuis son champ :
— Tu peux m’dire à quoiqu’ça sert ces bêtes-là ?
Je ne revendique aucun de ces tampons officiels qui attribuent une place précise dans la société et font que l’on est considéré avec respect pour la seule raison que l’on sait précisément à qui on a affaire. Je m’en fous. Mon copain Chayton m’assure que c’est le début de la liberté. Franchement, ça me plaît quand il dit ça. Souvent, je me répète ses paroles, parce que, en général, les événements tendent à prouver que je ne suis pas toujours engagé sur la bonne voie.
Je me suis installé dans cette région il y a vingt ans sans rien y connaître. Mon oncle Joseph, menuisier, m’avait aidé à construire mon logement, une habitation en bois au-dessus d’une petite écurie. Oncle Joseph était à la retraite à l’époque. On avait passé six mois à bâtir le tout. Malgré quelques imperfections évidentes, qu’oncle Joseph niait obstinément, j’étais satisfait. Quand je regarde la charpente, les fenêtres qui ferment encore impeccablement, je pense à lui. Je trouve qu’on avait fait du bon boulot. J’exploite quelques hectares d’une terre pourrie de cailloux. Des tonnes de silex qui remontent comme par magie, et réapparaissent, même lorsqu’on les retire régulièrement.
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