Elle propose finalement d'aller manger chez Léonardo le lendemain de son anniversaire, mais, en fin de soirée, pique une crise parce que Richard et moi osons discuter avec les gens de la table voisine alors que sa soeur et elle ne lâchent plus leur iPhone. Malgré ce coup de gueule, nous l'accompagnons le lendemain à un cours d'équitation, espérant qu'elle reportera son besoin d'aimer sur les chevaux plutôt sue sur des paumés.
Mais comment a-t-elle pu garder le silence sept longs mois ? Comment Richard et moi n’avons-nous rien remarqué ? Une bombe vient d’exploser au sein de la famille et chacun y réagit à sa façon. Richard déborde de haine, du désir de vengeance. Il culpabilise de n’avoir pas su protéger sa fille. Il a perdu le goût pour un métier qui le passionnait et néglige presque ses chantiers. Kayla se renferme encore davantage et devient agressive à la moindre remarque, à la maison et à l’école. […] Quant à moi, j’ai cessé toute activité pour rester avec Alana vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Je lui ai momentanément interdit l’école. Je vais sans doute aussi perdre mon nouvel emploi, peu importe, mon unique préoccupation est ma fille.
Enfin seule je m'autorise à craquer. Ces deux journées m'ont épuisée. Je pleure longtemps, ça me fait du bien, puis, mes larmes taries, j'appelle Nanou, ma voisine qui n'ignore rien de nos déboires et dont le mari est un ami de Richard. Me confier me soulage.
- Vous n'avez pas envie d'aller manger à quatre chez Léonardo ce soir ?
La soirée se déroule sereinement. Après nous être déchargés de toute la tension accumulée, nous passons une bonne soirée à papoter, rire et blaguer.
Face à cette tragédie, mes disputes avec Alana devraient paraître dérisoires. Elles m’usent pourtant à petit feu. Je n’ai pas perdu physiquement ma fille, mais le cocktail de méchanceté, menaces et insultes me l’ont fait perdre sur un autre plan.
Je n’en peux plus. Si, en apparence, je semble gérer, je ne vis plus, je survis, entre Alana et son agressivité permanente, Richard qui risque de devenir incontrôlable et Kayla dont la maturité à treize ans n’a rien de naturel.