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Citation de taramboyle


Jérémy vivait dans un univers très éloigné des vernissages et des mondanités parisiennes. Après ses cours dans une école d’architecture, il empruntait chaque soir la ligne C, afin de rejoindre un quartier sensible de Gennevilliers. Depuis sa plus tendre enfance, il vivait avec sa mère dans un F2 minuscule offrant une vue sur des tours.
Pourtant, la promiscuité, l’absence d’intimité et la pauvreté, ne le gênaient pas outre mesure. Abandonné par son père dans les premières années de sa vie, Jérémy savait qu’il ne pouvait compter que sur sa maman. Tenace et ne ménageant jamais ses efforts, cette dernière travaillait comme caissière polyvalente chez Lowprice, une supérette de la cité voisine. Soudés de manière presque fusionnelle, Jérémy et elle faisaient tout pour se donner l’illusion que leurs existences n’étaient pas si difficiles. Chacun se privait afin de permettre à l’autre de menus plaisirs jusqu’alors inabordables.
Ainsi, l’une des baskets de Jérémy était percée sous la semelle depuis plusieurs semaines et il préférait reculer le moment où il en réclamerait une nouvelle paire. Sa mère, acculée par les dettes, ne mentionnait jamais ses problèmes d’argent, considérant que son fils ne devait pas se préoccuper des ressources familiales.
Lorsqu’elle le vit arriver portant une veste étrangère, elle lui fit aussitôt la remarque :
— Elle est magnifique, lui dit-elle, les yeux brillants d’amour et d’administration pour sa progéniture. Où as-tu trouvé une aussi belle redingote ?
— Ce n’est pas à moi, lui expliqua-t-il en la retirant pour lui montrer les taches et lui raconter ses maladresses pendant le vernissage.
— Tu es un brave garçon, mais tu accordes un peu trop facilement ta confiance, lui déclara-t-elle, en lui coupant une part de tarte au thon. Cela a toujours été ton problème. Tu crois que les gens sont aussi honnêtes que toi. Il faut que tu apprennes à te protéger, Jérémy. La vie professionnelle n’est pas rose. Il y a toujours quelqu’un qui essaie de te faire tomber, même si tu ne fais d’ombre à personne.
— Je sais tout cela, Maman, répondit-il pour éviter de discourir à nouveau autour du sujet de sa naïveté.
— C’est juste que… Je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose, expliqua-t-elle avant de se laisser tomber mollement sur la banquette en bois qui suivait l’angle autour de la table de la cuisine. Paris est peuplé de requins où les vieux se repaissent de la jeunesse en la pervertissant ! Certains convoitent les femmes, comme les hommes, sans aucune réserve, ni respect.
Sa mère était une femme petite et fine qui avait conservé la souplesse de son adolescence. Mais son visage commençait à marquer les premiers signes de fatigue et quelques cheveux blancs trahissaient des soucis en nombre.
Jérémy s’empressa d’abréger son repas.
Sa mère lui cachait quelque chose et elle utilisait ces prétextes pour exprimer son désespoir.
— J’ai déposé des CV dans plusieurs entreprises, hier, dit-il plus tard, en lavant la vaisselle. On ne sait jamais…
— Je ne veux pas que tu travailles, tant que tu n’auras pas terminé tes études, l’interrompit-elle. J’ai abrégé les miennes par amour pour ton père et regarde le résultat. Je mène une vie à me contenter du strict nécessaire. Consacre-toi à fond à ta future carrière, c’est tout ce que je te demande. On peut se priver en attendant des jours meilleurs, si ça en vaut la peine.
Jérémy acquiesça d’un hochement du menton avant de s’installer sur le bureau de sa petite chambre, le casque sur les oreilles pour y travailler jusqu’à tard dans la nuit.
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