Les pays européens sont souvent fiers de coutumes gastronomiques bizarres que leurs voisins méprisent et trouvent parfaitement répugnantes. Les Allemands se régalent de leur Ochsenmaulsalat, museau vinaigrette qui, si on y songe, est fait de fines tranches de cartilage de tête de vache. Les Suédois ont une spécialité de poisson pourri, le surströmming, c'est-à-dire hareng fermenté, que l'on sale avec tant de parcimonie qu'il continue de décomposer en magasin au point que les conserves gonflent (l'odeur, dit-on, est un croisement d’œuf pourri et de toilettes dont on aurait pas tiré la chasse). Les Islandais craquent pour le hakarl - un requin toxique du Groenland - dont la chair est enfouie sous deux mètres de terre pendant plusieurs semaines, jusqu'à ce que l'acide cyanhydrique qu'elle contient soit décomposée ; c'est alors l'exhumation et le séchage pour obtenir un genre de semelle de botte agréablement aromatisée à l'ammoniac, qu'il faut mâcher à grand renfort d'eau-de-vie. (Les Britanniques pensent être au-dessus de telles absurdités. Ils en rient, tout en se bourrant de spotted dick, un gâteau bouilli aux raisins secs et à la graisse de mouton, de pork scratchings, couenne grillée apéritive, et de scoth eggs, œufs entourés de chair à saucisse, panés et noyés si possible dans de la sauce brune).