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Le petit a raison. On a trop amputé la ville, ça, je le sais. Vous avez chamboulé la Grande-Rue. Il y avait des tas de petites boutiques. Des gens y habitaient. Maintenant ce n'est plus que passages pour piétons, panneaux en plastique, et les habitants en ont peur la nuit. Peur de la ville où ils vivent ! J'aurais honte, à votre place. Et elle avait ses armoiries, la ville, un blason sur la façade de la mairie. Maintenant, on a une espèce de logo en plastique. Ensuite vous avez pris les anciens jardins ouvriers pour construire le centre commercial Neil Armstrong, et toutes les petites boutiques ont fait faillite. Ils étaient pourtant beaux, ces jardins ouvriers.
- C'était une vraie pagaïe !
- Oh, oui. Une jolie pagaïe. Des serres que chacun avait bâties de ses mains avec d'anciens cadres de fenêtres cloués ensemble. Des vieux assis devant leurs cabanes sur des chaises rafistolées. Des légumes, des chiens et des enfants partout. J'ignore où ils sont allés, tous ces gens-là, vous le savez, vous ? Après, vous avez rasé des tas de maisons pour construire votre grosse tour où personne n'a envie de vivre, et vous lui avez donné le nom d'un escroc.