Un roman a deux utilités : - l'une matérielle, l'autre spirituelle, si l'on peut se servir d'une pareille expression à l'endroit d'un roman. - L'utilité matérielle, ce sont d'abord les quelques mille francs qui entrent dans la poche de l'auteur, et le lestent de façon que le diable ou le vent ne l'emportent ; pour le libraire, c'est un beau cheval de race qui piaffe et saute avec son cabriolet d'ébène et d'acier, comme dit Figaro ; pour le marchand de papier, une usine de plus sur un ruisseau quelconque et souvent le moyen de gâter un beau site ; pour les imprimeurs, quelques tonnes de bois de campêche pour se mettre hebdomadairement le gosier en couleur ; pour le cabinet de lecture, des tas de gros sous très prolètairement vert-de-grisés, et une quantité de graisse qui, si elle était convenablement recueillie et utilisée, rendrait superflue la pêche de la baleine.
- L'utilité spirituelle est que, pendant qu'on lit des romans, on dort, et on ne lit pas de journaux utiles, vertueux et progressifs, ou telles autres drogues indigestes et abrutissantes.