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Critiques de Thierry Delessert (1)
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Sexuer le corps

Des pratiques et des normes, la construction de corps sexués



« Aussi, en contribuant à une sociohistoire des pratiques médicales de sexuation du corps et de la sexualité en Suisse, cet ouvrage permet également de documenter par la marge et d’éclairer à partir d’un nouvel angle des savoirs institutionnalisés qui n’en sont pas moins, eux aussi, spécifiques. »



Dans leur introduction, « Pour une sociohistoire des pratiques de sexuation du corps et de la sexualité par la médecine en Suisse » Hélène Martin et Marta Roca I Escoda abordent, entre autres, la remise en cause de savoirs sexistes sur le « sexe », l’absence de « vérité naturelle » sur les corps, les discours et les pratiques médicales sur les corps et les sexualités, l’histoire des savoirs médicaux et l’argument de « la détermination biologique de la différence des sexes », les normes construites de la sexualité féminine, « Les huit chapitres de cet ouvrage analysent différentes constructions médicales du corps et de la sexualité en portant leur attention sur les processus de sexuation et de pathologisation, sur les circulations et les appropriations de théories et modèles dont elles relèvent ainsi que sur leurs effets sur les personnes directement concernées, lesquelles adhèrent plus ou moins aux traitements qui leurs sont proposés »…







Table des matières



Pour une sociohistoire des pratiques de sexuation du corps et de la sexualité par la médecine en Suisse



I Des testicules au cerveau. Convertir chirurgicalement Un corps homosexuel (1916-1960)



L’expérience de Steinach et Lichtenstern (1916)



La fabrique d’un corps homosexuel



Les « sécrétions internes » comme des agents de jouvence du corps masculin



Les expériences de Von Orthner au cours des années 196



Conclusion



II La fabrique chirurgicale du sexe. Une histoire de la sexuation des corps trans en Suisse romande (1940-1960)



Changer de sexe : de la salle d’opération au tribunal



Des pratiques clinique et juridique en construction



Expertiser des sexes et construire une norme sociale et chirurgical



Les médecins et l’idée de transition



III Du sexe génital au sexe subjectif ou les reconfigurations du dimorphisme sexuel



Du Sexe génital..



… Au sexe subjectif



Conclusion



IV La sexologie américaine Made in Switzerland : naissance d’une clinique des troubles sexuels (Lausanne, 1950-1980)



Introduction et éléments de « préhistoire »



Traiter le couple « à l’américaine » : quoi de neuf docteurs ?



Sur le terrain de la thérapeutique : autres conditions de possibilité et opportunités



V Le jeu de l’amour et du déterminisme : Compréhensions expertes et profanes du désir des femmes



De l’intimité avant tout : cycle savant du désir, circularité du raisonnement et recyclage du sens commun



L’appétit vient « en mangeant : le discours expert



« Ce soir, il va falloir le faire » : l’expérience du manque de désir sexuel rapportée sur des forums internet



Conclusion



VI Pratiques sous surveillance : le vécu de la prescription de contraception féminine en suisse romande



Standardiser, normaliser : produire des corps contraceptés



Résister aux effets de la normalisation



Remarques conclusives



VII La grossesse, une affaire de femmes ? Enjeux de genre dans la prévention de la consommation de tabac et d’alcool auprès des futurs parents



Tabac et alcool pendant la grossesse. Questions de santé, questions de morale



Faire de la prévention, construire des rôles sexués



Foetus vulnérables, femmes responsables,



Conclusion



VIII La fabrique des corps sexués Entre médicalisation et pathologisation : La place du corps dans les Trans Studies en France



Ce qui est fait aux corps trans



Ce que font les corps trans de ce qui est fait d’eux



Conclusion



Conclusion







Je n’aborde que certains articles.



Il me semble important de revenir sur les « conversions chirurgicales » des « corps homosexuels ». Les ré-assignations corporelles se poursuivent dans bien des pays, en particulier pour les personnes intersexuelles. Des pratiques médicales et des inscriptions dans les législations… Cela devrait aussi nous interroger sur cette « science médicale » et ses points de vue politiques (n’oublions pas la participation des médecins à la définition biologique des races)…



J’ai notamment apprécié Le jeu de l’amour et du déterminisme : Compréhensions expertes et profanes du désir des femmes. Marilène Vuille aborde, entre autres, les représentations asymétriques de la sexualité, la réduction de la sexualité des femmes à « une sexualité qui trouve sa finalité dans le rapports à l’autre, et qui s’oppose à la sexualité masculine bien plus résolument biologique et dotée d’une finalité intrinsèque », les modélisations autour du désir qui ne prennent pas en compte le rapport social inégalitaire entre les sexes, les prescriptions comportementales, les discours expert autour de « l’appétit vient en mangeant » qui de fait légitiment les actes non consentis au nom de l’« éveil » des femmes à la sexualité, les débats autour du manque de désir sexuel et l’angle individualisant oubliant le/la partenaire, les effets du « sentiment d’injustice lié au non-partage des tâches ménagères et de la responsabilité vis-à-vis des enfants en bas âge », les chantages à la rupture, l’idée de besoins sexuels masculins irrépressibles, les bornes « de l’espace de jeu dans lequel le désir sexuel des femmes est censé se déployer », les liens entre désirs et autonomie, les normes de satisfaction et de la fréquence des rapports sexuels… sans oublier les modalités du désir…



Je souligne l’article sur les vécus des prescriptions de la contraception, le processus de médicalisation, la construction d’une vision pathogène du corps des femmes, la responsabilité non partagée des hommes envers la contraception, la régulation des conduites corporelles, la standardisation et la normalisation, l’asymétrie dans la relation de pouvoir entre médecin et patiente, les normes esthétiques et leur caractère fortement sexué, l’injonction à la minceur et la stigmatisation des corps « gros », la valorisation d’un corps désirable et « destiné au regard masculin », les résistances de femmes et la remise en cause des savoirs des gynécologues…



En conclusion, Hélène Martin et Marta Roca I Escoda reviennent sur les recours de la médecine – hier comme aujourd’hui – « à des technologies de sexuation du corps et de la sexualité extrêmement variées », la conformation aux normes de sexe, les mutations « dans le système d’opposition entre nature et culture »… Elles rappellent que « L’ancrage des femmes dans la nature a permis leur aliénation et leur domination via différentes pratiques de pouvoir et de domestication » (En complément possible, Colette Guillaumin : Pratique du pouvoir et idée de nature – (1) L’appropriation des femmes et Sexe, race et pratique du pouvoir. L’idée de nature)

Les autrices parlent de la correction des corps, de la sollicitation de « la réflexivité des individus sommés de prendre en charge leur propre normalisation via une discipline intériorisée », du pouvoir médical, « les femmes sont perçues comme potentiellement néfastes et défaillantes tout en étant rendues responsables du bien-être de leurs proches et du bonheur dans leur couple », de l’idéal hétéro-normatif et de la naturalisation des binarités hommes/femmes et hétérosexualité/homosexualité, de clinique des troubles sexuels, des résistances des individus et de ce qu’elles contribuent à mettre en évidence « les lignes de fractures et les points possibles des changements structuraux »…



Les différents articles illustrent des évolutions de la pensée et des pratiques médicales, dans un cadre très normé par la « différence des sexes » et par les pratiques « légitimes » de la sexualité. Les effets de l’idéologie néo-libérale – de l’individu responsable de la construction de soi – dans le déni des rapports de pouvoir et des contraintes socio-économiques différenciées qui pèsent sur les individus -, se combinent à la persistance (ou le reploiement) de caractérisations naturalistes ou essentialistes. L’attention aux corps et aux façonnages de ceux-ci sont indispensables (en complément possible, Nouvelles questions féministes : Le physique de l’emploi)

Il m’est difficile de penser les demandes de traitements médicaux hormonaux ou chirurgicaux hors des contextes socio-culturels, des rapports sociaux de sexe et de leurs contradictions (en particulier dans la construction sociale des psychismes, et du « sexe subjectif »), d’oublier la pression à l’hétéro-normativité (et celle de l’industrie pornographique), de négliger la solidification historique de ce qui est nommé – mais jamais défini – comme « féminin » et « masculin »…



Chacun·e trouvera, dans l’exposition des pratiques médicales et de leurs évolutions, de multiples éléments pour penser et contester l’asymétrie des sexes, pour briser l’enfermement sexué des individus et de leurs désirs, pour abolir – et non aménager – le système de genre et ces fallacieuses dichotomies du féminin/masculin…
Lien : https://entreleslignesentrel..
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