Sarhili ne trouvait pas ses mots. Il n’avait rien à dire devant l’intensité de cette première rencontre, ou il avait trop à dire peut-être. Fasciné par le spectacle grandiose des animaux, il en avait oublié le monde des hommes et son langage. Il hésita, puis tenta un simple “Oui, Monsieur”, mais l’émotion était telle que sa voix dérailla comme celle d’un adolescent, produisant une drôle d'effet. Armstrong se détendit et rit, de son beau rire massif, puis redevenant subitement grave en s'installant au volant :
- “Je ne me suis pas trompé, alors.”
Satisfait, il démarra.
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Depuis plus de cent ans, chaque jour notre monde s'appauvrit. Vous ne connaîtrez jamais la Terre que j'ai connue. Les grands mammifères africains sauvages ont disparu, décimés plus encore par la démographie humaine que par le braconnage. Il n’en reste que quelques dizaines, non pas en « milieu naturel » comme on veut nous le faire croire mais dans des parcs fermés où ils font l’objet d’une surveillance constante. Ils ne représentent que le sommet de l'iceberg : des milliers d'espèces moins spectaculaires ont été éradiquées dans l'indifférence générale. Destruction des forêts, des zones humides, disparition des insectes, des coraux, surpêche. Et tout cela au profit de la seule espèce humaine qui prolifère et devient la cible idéale des pandémies, tout comme les monocultures sont la cible des « nuisibles » et autres « ravageurs ». Vous savez tout cela parce qu’aujourd’hui personne sur terre ne peut plus l’ignorer – même si quelques-uns opposent encore leur pitoyable déni à l'évidence du chaos.
Tout le monde voyait pourtant que les choses se dégradaient. L’imagerie satellite montrait à quel point notre atmosphère était fine et fragile. Des artistes puis des médias s’engagèrent, et enfin quelques politiciens, la plupart mollement et par opportunisme. Nous attendions des hommes d'État, nous avions au mieux des suiveurs d'opinions, au pire des pantins aux ordres des puissances industrielles et financières. Quant aux populations, dans un monde où les richesses étaient tellement inéquitablement réparties, la plupart des êtres humains n'avaient pour seul horizon que leur survie quotidienne, ou au mieux l'accès aux standards de vie occidentaux : comment leur reprocher ?
À peine entré dans ce qu'il a pompeusement dénommé l'Anthropocène, l'homo « sapiens, sapiens » comme il aime à s'appeler, aura déclenché la sixième extinction des espèces, la plus violente de l'histoire de notre planète. Et l'ironie de l'histoire, c'est qu'il en sera bientôt la plus éminente victime.
Quelles que soient les ambitions des sociétés humaines, elles se construisent sur des individus, et l’humain est ce qu’il est [...]. La société idéale n’était pas pour demain… C’était un peu désespérant, mais mieux valait l’admettre.
Chaque personne doit jouer sa part, agir individuellement et peser collectivement.
le réchauffement climatique n'est pas réversible à l’échelle humaine. Le CO2 ne commence à se dégrader dans l’atmosphère qu’au bout de 100 ans, et il ne disparaîtra qu’au bout de 1 000 ans.
il faut accepter que notre monde est fini, que notre civilisation actuelle le pille et le déstabilise, et qu’il nous faut changer radicalement de comportement si nous voulons survivre.
La plupart des gens ont le nez sur le guidon, ils pédalent, pédalent, toujours plus vite. Mais ils ne savent pas où ils vont !
On peut parfois dire des choses qui dépassent nos pensées, cela arrive.