VIDÉNA
Les dieux puissent t'entendre ! Ton père a cependant
Si inflexiblement arrêté son esprit,
Que plaintes ou prières ne sont d'aucun secours,
Car j'ai tout essayé, et c'est aujourd'hui-même
Qu'il va tenter d'avoir de tous ses conseillers
L'assentiment de son plan insensé.
FERREX
Leurs aïeux ont toujours, lignée après lignée,
Gardé leur foi à mes ancêtres et à leur descendance.
Je suis sûr qu'ils feront de même envers moi.
VIDÉNA
Là sont tous nos espoirs. S'ils manquent à le faire,
Et si la fin nous mène à l'insuccès,
Sur eux-mêmes et les leurs retombera la faute,
Et ma prière aux dieux est qu'ils en paient le prix.
Ce qui leur adviendra, car c'est c'est toujours ainsi
Quand seigneurs et ministres par le roi écoutés,
Voulant flatter sur l'heure le caprice du prince,
Inclinent vers le mal les décisions d'État ;
Aux mesures, aux désordres succèdent l'épée fratricide,
De mutuelles trahisons et de justes vengeances ;
Mais quand le droit déchu reprend pied sur le trône,
Par le juste verdict et l'ire méritée du Ciel,
Il leur inflige en blâme le plus cruel trépas,
Extirpant de la terre leur race avec leur nom.
Acte I, scène I
(Traduction : André Lascombes)
LE CHŒUR
Lorsque l'orgueil naissant enfle et emplit le cœur,
Et que l'amour du lucre aiguise l'ambition,
D'éviter les périls alors est-il bien l'heure ?
Courroux divin, esprit des lois ou soin de la nation,
Rien ne peut apaiser la fureur des esprits
Quand la force a armé et rancœur et mépris.
Quand du meilleur conseil les princes font litière,
Négligeant prévoyance, prêtant l'oreille aux contes
Dont la fantaisie flatte leurs humeurs délétères,
Ni le respect du droit, ni la raison ne comptent.
Les fléaux s'amoncellent et trop tard nous apprennent
Quels maux frappent l'État quand déraison le guide.
Acte II, scène II
(Traduction : André Lascombes)
EUBULE
[...]
Mais aujourd'hui, heureux qui, par une mort prompte,
Quitte la vie, s'épargnant le spectacle
De ces maux gigantesques et de ces catastrophes,
Ces guerres intestines, ces meurtres ou ces préjudices.
Acte V
Déroulement et signification de la pantomime précédant la quatrième partie :
D'abord résonnent des hautbois, pendant que, de sous la scène, comme de l'enfer, sortent les trois Furies, Alecto, Mégare et Tisiphoné, en vêtements de deuil maculés de sang et semés de flammes, le torse ceint de reptiles, la tête couronnée, non de cheveux, mais de serpents, l'une ayant à la main une vipère, l'autre un fouet, la troisième un brandon enflammé. Chacune pousse devant elle un roi et une reine qui, à l'instigation des Furies, ont contre la loi naturelle assassiné leurs enfants. Ces rois et ces reines ont pour nom Tantale, Médée, Athamas, Ino, Cambyse et Althéa. Après que le Furies et ces princes ont traversé la scène par trois fois, ils sortent tous et la musique cesse alors. Ce spectacle signifie les meurtres contre nature qui vont suivre, c'est-à-dire la mort de Porrex assassiné par sa mère, et celles du roi Gorboduc et de la reine Vidéna, tué par leurs sujets.
Acte IV
(Traduction : André Lascombes)