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Citation de Charybde2


BEATRIZ. – Je suis désolée d’être en retard ! Il y avait des bouchons et ensuite je n’arrivais pas à trouver l’entrée du théâtre… Pardon. Quelle heure est-il ? Oh merde, je suis vraiment en retard ! Pardon. Me voilà, enfin. Comme on dit dans mon pays mais vale tarde do que nunca. je suis tout excitée de participer à votre projet. Merci de m’avoir invitée.
ADRIEN. – C’est une question très intéressante. Laissez-moi réfléchir. Comment devrait-on être montrés sur scène ? Ce n’est pas à moi de vous dire quoi faire, c’est vous les artistes, mais je crois que la pièce devrait… (Vous dites la pièce ou le spectacle ?) Bon, il faudrait que la pièce parvienne à montrer la complexité. Ça, on ne le voit presque jamais.
NATACHA. – On devrait être montrés comme des gens normaux qui tentent de faire le moins de mal possible. C’est aussi simple que ça.
ADRIEN. – Montrer la complexité. La représentation qu’on fait de notre monde est toujours trop simpliste. Les bons et les méchants, les civilisés et les sauvages, les riches et les pauvres, les victimes et les oppresseurs, les bourreaux et les sauveurs, le possible et l’impossible. Mais ce n’est pas ça, ou ce n’est pas seulement ça. Ca ne l’a jamais été. Vous devriez montrer la complexité.
BEATRIZ. – Qu’est-ce qu’il fait chaud ici ! Laissez-moi enlever ma veste avant de commencer. Quand mon collègue m’a dit que vous vouliez me parler, je me suis dit : « Waouh ! C’est intéressant de discuter de mon travail avec un groupe d’acteurs ! » Parce qu’en fait, je crois que j’ai commencé ce travail grâce à une actrice de cinéma. J’avais dix ou onze ans. Elle jouait le rôle d’une jeune nonne qui partait dans l’impossible pour aider les enfants pendant la guerre. Ça m’a tellement inspirée.
ADRIEN. – Je ne suis pas en train de parler de statistiques ou d’études. Je ne parle pas de cette complexité-là. Pour cela, nous avons les universités. Je parle de la complexité de l’émotion, de l’expérience, de ce que l’on vit. Une histoire, peut-être incomplète, peut-être imparfaite, mais suffisamment complexe. Vous comprenez ? Pardon, je suis un peu nerveux.
BEATRIZ. – Le film était certainement un navet. Mais cette nonne… punaise ! Elle était jeune, belle et même un peu sexy. Une jeune femme puissante et courageuse.
BAPTISTE. – À vrai dire, ça ne devrait pas être une pièce sur nous mais plutôt sur les gens que nous aidons.
NATACHA. – Votre spectacle devrait aussi parler de la distance. Pourquoi partir si loin pour aider ? Je veux dire, des personnes ont besoin d’aide partout dans le monde. Alors pourquoi aller jusqu’à l’impossible ? Essaie-t-on de fuir quelque chose ?
BAPTISTE. – Si c’est sur nous, votre pièce doit parler de ce qu’on sacrifie. Le temps qu’on passe loin de notre famille et de nos amis. La sensation de ne plus appartenir à l’endroit d’où nous venons.
BEATRIZ. – Bien entendu, la nonne meurt à la fin du film, mais… peu importe.
BAPTISTE. – Votre pièce devrait aussi montrer cette contradiction incroyable révélée par les études. Nous sommes presque tous traumatisés d’une manière ou d’une autre par ce que nous vivons au travail. Mais nous appartenons aussi aux professions qui ont le taux de satisfaction au travail le plus élevé. Je ne sais pas comment, mais ça devrait être dans votre pièce.
ADRIEN. – Votre pièce devrait parler de ce que nous voyons dans le monde, sans essayer de le montrer. Je ne sais pas si je suis clair. J’ai l’impression qu’il y a des choses que nous voyons pour notre travail, des choses tellement obscènes, tellement horribles, qu’elles ne devraient pas être montrées sur scène.
BEATRIZ. – Je ne sais pas du tout ce que vous devriez mettre dans votre pièce.
BAPTISTE. – Il faudrait interroger d’où vient l’argent pour notre travail. Parler des gouvernements qui bombardent d’autres pays, et ensuite nous financent pour aller sur place aider les victimes de ces bombardements.
ADRIEN. – Votre pièce devrait montrer qu’il y a deux mondes : le possible et l’impossible. Et que ces deux mondes changent de place en permanence.
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