Je m'efforçais de retenir à l'esprit à la fois toutes les contradictions de mon nouveau métier - respect et irrévérence - humour et tristesse - espoir et désespoir - compassion et détachement.
Bien souvent, nous nous sentions vides, désespérées, dépassées par les exigences -morales plutôt que physiques- de notre métier d'infirmière. Parfois, il nous semble que ce travail exige trop de nous, non seulement comme infirmières, mais aussi comme êtres humains. Qui pourrait donner autant, de façon aussi désintéressée? Pour faire ce travail, vous devez vous débarrasser de votre personnalité. Vous pouvez avoir un soi, mais vous devez le subordonner, l'oblitérer, pour satisfaire aux besoins d'autrui.
On ne s'attend pas à ce que nous ayons nos besoins propres. Oui, nous pouvons être fatiguées et affamées, mais qui s'en soucie? Certainement pas nos patients qui, la plupart du temps, sont inconscients et totalement dépendants de nous. Définitivement, pas les familles des patients non plus, eux qui attendent de notre part un dévouement total et nous reprochent de prendre quelque repos ou semblent nous en vouloir si nous prenons un moment de détente ou encore lorsque nous nous levons pour quitter, à la fin d'une journée de douze heures, et qu'ils doivent s'habituer au style et aux manies d'une autre infirmière.