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Citation de dariodo


— Allô, fit-elle d’une petite voix mal assurée.
— Madame Darmon ?
— Oui ?
Elle ne reconnaissait pas la tonalité de l’appel du matin. Cela la rassura un peu.
— Alors vous êtes malade ?
— Quoi ?
— On m’a dit que vous étiez malade ?
— Ça ne va pas recommencer, dit-elle en s’énervant. Je porte plainte, vous savez. Je ne plaisante pas.
— Mais vous n’avez pas eu d’opération bancaire depuis plus d’un mois sur votre compte. Vous savez, le protocole exige des opérations bancaires .
— Comment ça, le protocole exige ?
— C’est noté noir sur blanc dans le contrat.
— Mais c’est absurde ! Je suis obligée de dépenser mon argent, c’est ça ?
— Oui.
— Mais j’étais malade, vous comprenez ? Malade. Bloquée chez moi, sans pouvoir bouger ! Comment voulez-vous que j’aille faire les magasins ? Et je ne suis pas du genre à acheter tout et n’importe quoi sur internet !
— Vous n’êtes pas sortie du tout durant toute votre convalescence ?
— Non, combien de fois vais-je vous le dire ? Et qu’est-ce que ça peut vous faire ?
— Moi, personnellement, rien. Mais…
— Mais quoi ?
— Vous auriez pu disparaître !
— Disparaître ? C’est quoi cette nouveauté ? Vous me demandez si je suis morte, si je suis malade, et si je n’ai pas l’intention de disparaître ?
— C’est le protocole.
— Eh bien non, dit-elle en s’énervant, je n’ai pas l’intention de disparaître. Je reste bien tranquillement chez moi, sans dépenser un centime, ça vous va ?
— Et comment avez-vous fait pour…
— Pour quoi ?
— Pour les achats du quotidien, par exemple ?
Maddy resta interloquée. Les achats du quotidien ? Qu’est-ce qu’il entendait par là ? Et là encore, qu’est-ce que ça pouvait bien lui faire ?
— Je veux dire, pour manger, par exemple ?
— Je dois avouer que je n’avais pas trop d’appétit, vu mon état.
— Oui, mais quand même.
— Eh bien les voisins se sont occupés de moi. Ils venaient me voir régulièrement.
— Vos voisins ?
— Oui, pourquoi ? Ce sont des amis. On s’entend bien, c’est tout. Vous commencez à me gonfler avec vos questions indiscrètes, c’est décidé : j’appelle la police.
— Attendez, attendez… Vous l’appellerez après.
— Après quoi ?
— Après que vous m’aurez donné les noms de vos voisins et leurs adresses.
— Quoi ?
— Oui. Le protocole. Vous devez déjà me donner le nom de votre médecin, de votre employeur, et de toutes les personnes qui pourront attester de votre absence et de votre maladie. Ce qui aura pour but de clarifier votre dossier.
— Mais quel dossier ?
— Votre tentative de disparition.
— Ma tentative de quoi ? s’étrangla-t-elle.
— De disparition, lui répondit le banquier calmement. Votre passage à l’ennemi, quoi.
— Mon passage à l’ennemi ? Mais quel ennemi ? Nous ne sommes pas en guerre, que je sache ! hurla-t-elle dans le micro de son téléphone.
Son interlocuteur ne fut pas le moins du monde troublé par les cris qu’elle poussait. Il restait aussi calme qu’au début de la conversation. Maddy reprit :
— Vous pensez quoi ? Que je vais changer de banque, c’est ça ? C’est ça, votre ennemi ? si je ne dépense pas mes sous chez vous, c’est peut-être que je les dépense ailleurs ?Et même si c’était vrai, qu’est-ce que cela peut vous foutre ? s’emporta-t-elle.
— Non, cela n’a rien à voir Madame Darmon. Rien à voir.
— Mais alors pourquoi ? dit-elle en sanglotant.
— Chaque être humain doit avoir un compte bancaire. Même les plus pauvres y ont droit, vous savez ? Le gouvernement a mis en place un système pour que tous, y compris les gens les plus endettés et qui sont refusés dans toutes les banques traditionnelles, puissent posséder un compte. Je devrais dire qu’ils DOIVENT posséder un compte.
— Mais qu’est-ce que je viens faire là-dedans ? dit-elle en pleurant carrément.
— Vous n’avez rien dépensé. Depuis un mois. C’est suspect, non ?
— J’étais malade.
— Quand même. Vous refusez de donner les noms de vos amis, de votre médecin, de votre employeur…
— Je bosse pour un laboratoire de recherche pharmaceutique, voilà. Je suis secrétaire, vous êtes content ? dit-elle en reniflant.
— Oui, nous savons tout cela.
— Alors pourquoi me le demandez-vous ?
— Pour vérifier. C’est le protocole. Bref. Chaque compte permet de vérifier ce que fait son possesseur. Où il est. Ce qu’il consomme. Qui il voit. Les paiements sont regroupés au niveau mondial et croisés. Du coup, si deux paiements se font à quelques secondes d’intervalle dans un restaurant, par exemple, toutes les données sont croisées pour vérifier si les deux personnes qui règlent leur déjeuner n’ont pas mangé ensemble. Cela s’appelle la traçabilité. Comme pour la viande ! dit-il en rigolant.
C’était la première fois qu’elle l’entendait rigoler !
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