Au bout d’une heure environ (ces cinq mots renferment beaucoup d’efforts), j’atteignis un village au nom aussi approprié que peu imaginatif d’al-Djebel, « la Montagne ». Je m’adossai au jambage de la porte de la boutique pour engloutir une canette de bière au gingembre. Aromatisée avec des produits chimiques résultant de décennies de recherches, conditionnée à Hobeïda sous franchise d’une compagnie allemande dans une canette réalisée dans le produit d’une mine de bauxite sud-américaine, pourvu d’un anneau surgi par hasard dans le cerveau d’un inventeur millionnaire, apportée là par camion puis à dos d’âne pour ma délectation, elle était bien moins rafraîchissante que le qihs. Le sol était jonché de canettes vides qui disaient toutes, en arabe et en anglais, « gardez l’environnement propre » et je me demandais un instant s’il fallait que j’emporte la mienne dans mon sac à dos jusqu’à ce que je trouve une poubelle. Mais la plus proche était à plusieurs jours de marche aussi la déposai-je au bout du comptoir. Le boutiquier s’en empara pour la jeter par terre.