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Citation de Lireaimer


- Ils se sont accrochés leurs fils sur eux, directe! Ils vont les rendre fous ! dit Olubé, les yeux fixés sur le groupe des nageurs qui avançaient vers le large.
Le jeune homme blond s’éloigna de la digue et se mit à nager lui aussi en direction des pêcheurs. Lorsqu’il arriva près d’eux, il s’arrêta, inspira profondément puis plongea jusqu’au fond de l’eau où il s’accrocha à une grosse pierre fichée dans le sable. Caché derrière elle, le jeune homme observa, au comble de l’étonnement, la scène : les pêcheurs qui étaient plus de cent s’étaient arrêtés de nager et flottaient maintenant à la surface, les uns sur le dos, d’autres sur le ventre, pour attendre le banc de maquereaux qui ne tarderait pas à arriver. Ils étaient tous nus et portaient accrochés à même la peau des bras, des jambes et même du dos, des dizaines d’hameçons auxquels étaient fixés des fils de nylon d’environ trois mètres sur lesquels étaient attachés d’autres hameçons portant des mouches jaunes qui s’agitaient de manière alléchante dans l’eau. Monture spéciale. Vus de bas en haut, les pêcheurs ressemblaient à des méduses dont les tentacules caressaient langoureusement l’eau dans l’attente de la proie. Les maquereaux ne tardèrent pas à apparaître. Les petites écailles de leurs corps fusiformes reflétaient la lumière du soleil en d’innombrables éclairs qui prirent d’assaut les franges jaunes fixées aux hameçons. Dès qu’ils les sentirent près d’eux, les pêcheurs semblèrent reprendre vie tout d’un coup. Ils se mirent à faire onduler leurs corps, leurs mains, leurs jambes pour attirer à eux tout le banc des poissons qui s’étaient immobilisés comme ensorcelés autour des tentacules et flairaient les fils qui s’agitaient. Au bout de quelques secondes d’accalmie totale où les écailles des maquereaux frôlaient les corps des pêcheurs et se perdaient entre les mouches qui pendaient à leur peau, les hommes lancèrent la chasse : leurs bras se tendirent, leurs jambes bondirent, leurs corps se tortillèrent et les fils couverts d’hameçons décrivirent de rapides zigzags accrochant dans leurs mouvements vifs les maquereaux qui, surpris, se prenaient, impuissants, aux crochets. Une fois piqués au ventre, aux nageoires ou à la queue, les poissons ne pouvaient pas plus se détacher que des mouches prises sur une bande collante. Du fond de l’eau, le jeune homme observait, stupéfait, le spectacle qui se déroulait au-dessus de lui : un bouillonnement d’écailles étincelantes fouettées par les tentacules de nylon. Les pêcheurs faisaient des culbutes, leurs corps tournaient en vrille et tiraient par saccades les fils accrochés à leur peau, leurs mouvements donnaient l’impression d’un ballet en apesanteur. corps contorsionnés, les fils ne se touchaient pourtant pas, ne s’emmêlaient pas, comme si chaque pêcheur connaissait exactement les limites de la zone qui lui était réservée. Lorsque le jeune homme sentit qu’il n’y tenait plus, il remonta en surface et retourna à la nage vers la digue. Il s’accrocha aux blocs de calcaire où il avait posé ses moules et se mit à respirer par saccades.- Oh, oh, t’es resté un moment sous l’eau ! dit Olubé tout en regardant les pêcheurs qui ressortaient de la mer.Dès qu’il eut retrouvé sa respiration normale, le jeune homme tourna la tête et observa, en train de remonter sur les stabilopodes, les pêcheurs tout nus portant à même la peau des rangées de poissons vivants. Un vieux à la peau brûlée par le soleil sortit de l’eau juste à côté de lui et s’aidant des bras, il grimpa sur un stabilopode. Il portait accrochée sur le dos une pèlerine de tissu vivant fait de poissons qu’il remonta en même temps que lui sur les pierres les plus hautes où il s’installa et se mit à retirer de sa peau, un à un, les hameçons et les fils sur lesquels se débattaient encore des dizaines de maquereaux. Un autre était sorti de l’eau avec deux longs fils de nylon accrochés aux lobes de ses oreilles et les poissons pris aux crochets lui faisaient comme des boucles d’oreille étincelantes en argent. Bientôt toute la digue se remplit d’hommes revêtus de capes de poissons qui, une fois détachés des hameçons, s’accumulèrent dans les épuisettes et les filets ornant la digue.
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