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Citation de Charybde2


À ma façon j’étais heureux. J’avais entre-temps appris à me tenir droit, assis par terre je m’appuyais au mur et regardais en haut. Au milieu des piles de drap apparaissait la tête de mon père, il jouait à cache-cache entre les comptoirs, tout en accomplissant avec sérieux et componction le mystérieux rite de la vente.
En extase, j’admirais les mouvements de son gracieux ballet : ses mains tournoyaient, ses mots s’enroulaient, ses yeux s’écarquillaient ou se fermaient pour accepter ou refuser une proposition de prix. Il montrait les pièces d’étoffe, les déroulait d’un geste vif, les amoncelait autour de lui comme des fleurs gigantesques qui grimpaient jusqu’au plafond. Puis un geste suffisait, un simple nom soufflé entre les dents : Tadeusz ou Lazlo, les vendeurs. Et ceux-ci accouraient pour couper ces tiges, pour calmer cet océan en furie qui faisait chavirer le comptoir, et alors l’horizon s’apaisait et de nouvelles couleurs apparaissaient devant mon père et son client.
Le choix fait, il pouvait conclure la vente, accompagner le client à la sortie avec toutes les cérémonies prévues par le rite.
Puis il rentrait et se recueillait un moment tête baissée, remerciait Dieu pour ce nouveau morceau de pain, et tout de suite après il finissait de ranger, commentant à haute voix avec les vendeurs les astuces de la vente. Ensuite il enregistrait la somme encaissée, la notait en face d’un morceau de l’étoffe vendue et pour finir fermait le Livre avec délicatesse, mais d’un geste définitif.
Ainsi tombait le rideau sur le théâtre du commerce.
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