AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Nastasia-B


— Peste ! Et moi, comme par un fait exprès, j'ai pas d'argent. Autrement, tu aurais pas connu le malheur.
— Allez, ça va, Grand-Père, dit Kouzma. D'où tu aurais de l'argent ? À quoi bon en parler !
— Ben voilà, j'en ai pas. Autrement, on serait pas là toi et moi à réfléchir, mais on serait allé chez moi prendre l'argent.
— Je m'en sortirai bien tout seul d'une façon ou d'une autre, dit Kouzma, laissant entendre au vieux qu'il se passerait de lui. Qu'est-ce que je vais encore te mêler à cette histoire !
Vexé, le vieux se tut. Il cogna sa pipe contre son genou, en fit tomber la cendre, souffla dessus et se mit à bourrer sa pipe, enfonçant de son pouce le tabac avec application. Il n'avait pas l'intention de s'en aller, et, après avoir allumé sa pipe, il oublia aussitôt qu'il était vexé.
— Alors, comme ça, tu dis que tu étais chez Evguéni Nikolaïevitch ?
— J'y étais, oui.
— Il a de l'argent, il te l'a regretté. Peut-être que je pourrais lui en demander de mon côté ?
— C'est pas la peine, Grand-Père. Je trouverai tout seul. C'est mon problème, pas le tien. Tu ferais mieux d'aller te reposer.
Cette fois, le vieux se fâcha tout à fait, pas pour rire.
— Kouzma, tu es comme un petit enfant. C'est pour moi ou quoi que je me donne de la peine ? J'ai vécu toute ma vie sans argent, et maintenant, pour ce qui me reste à vivre, je m'en passerai bien, j'en ai pas besoin. J'ai mon tabac, mon morceau de pain aussi, je peux allumer ma pipe avec du charbon. Moi, vieux comme je suis, que j'aie de l'argent ou pas, tu sais, je m'en…
— Ça va, Grand-Père, ça va, dit Kouzma conciliant.
— Quant à mes nippes, j'aurai pas fini de les user d'ici ma mort. Et pour ce qui est de boire un coup, je vais bricoler un appareil et je vais y verser une telle mixture que ça va brûler comme du feu, pas plus mal que de l'alcool. De toute ma vie, l'argent que j'ai tenu dans mes mains, on peut le compter sur les doigts. Moi, depuis l'enfance, j'étais habitué à tout faire tout seul, à vivre de mon travail. Quand il faut, je peux faire une table et fabriquer des bottes de feutre. Quand y avait la famine en trente-trois, je ramassais le sel pour la bouillie dans les carrières de sel. Maintenant, c'est que magasin par ci et magasin par là, mais avant, on allait deux fois l'an à la boutique. Tout le monde avait ce qui lui fallait. Et on vivait, on en mourrait pas. Mais maintenant, on y est empêtré. On sait plus bricoler — tu parles, au magasin y a de tout si on a de l'argent. Et encore, il a de la chance celui qui en a pas : au moins, ses gosses y perdront pas l'habitude de faire quelque chose de leurs mains, y pourront compter sur eux-mêmes et pas sur l'argent. Mais autrement, à quoi ça ressemble ? Tout le monde est devenu impotent. Les grands comme les petits.
Commenter  J’apprécie          260





Ont apprécié cette citation (24)voir plus




{* *}