LES CHIENS PHILOSOPHES
(début)
À ma fenêtre, un jour, je bayais aux corneilles.
Je ne sais plus quel saint me faisait ce loisir ;
Mais tout en moi riait de ce divin plaisir
Que goûte, après de longues veilles,
L'homme qui, libre enfin, sans souci ni désir,
Va dormir sur les deux oreilles.
Sur les arbres voisins se promenant, mes yeux
S'émerveillaient des bruits que faisaient dans les brandi
Les pinsons querelleurs, les tourterelles blanches
Et les moineaux audacieux.
De ce spectacle, dont la vue.
Comme un baume calmait mon âme détendue,
Mes regards charmés, tout à coup
Furent détournés par un groupe
de ces chiens mendiants que la misère attroupe,
qui, non sans risquer plus d'un terrible coup,
dans les cours des maisons entrent à pas de loup.
Ils étaient cette fois une demi-douzaine,
flanqués, décharnés, les os perçant la peau,
piteusement allongeant le museau,
quête du bonheur de quelque pauvre aubaine.