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Citation de Partemps


C’est tout à l’autre bout de la Chine occidentale et tout à
l’ouest du Sseutch’ouan que se placent et se découvrent, opposés à
l’extrême dans le type, riches, complexes, abondamment décorés,
profusément sculptés en presque pleine ronde-bosse, les piliers à
étages nombreux, à couronnement bien développé dont je proposerai
comme exemple la paire de piliers de P’ing-yang, aux environs de
Mien-tcheou (N.-O. de Tch’eng-tou).
Il y a dans ce choix la double raison suivante: grande abondance
et réussite de la sculpture à trois dimensions; conservation
unique de la paire de piliers, complète, avec les deux
contreforts, toits, et socles dans tout leur apparat primitif.
Leur trouvaille est aussi un bon exemple, presque une leçon -rude
-des aléas qui marquent une telle chasse à courre (la queste à la
licorne, la queste au chef-d’oeuvre lancée à travers tout ce
livre).
Le répertoire archéologique le mieux fait du Sseutch’ouan, le
Kin-cheyuan (Jardin des pierres et métaux) ne signalait pas leur
existence. Les Chroniques provinciales les plaçaient à «huit li à
l’est de Mien-tcheou ». Selon l’usage, dès notre arrivée à
Mien-tcheou, après visite officielle à la préfecture, -échange de
politesses rapide mais nécessaire, -nous nous empressions de poser
la question: «Où se trouvent les piliers de P’ing-yang? »
Étonnement. Un peu de trouble dans le yamen. On ne sait pas. On
s’étonne poliment que des étrangers s’inquiètent de ces choses...
On ne sait pas. On fait venir un vieux lettré. Il relit avec un
grand sérieux le texte des Chroniques, mais ne peut rien dire...
Des secrétaires, des satellites, des parasites surviennent...
Personne, à si petites distances... une lieue à peine... (la lieue
française étant de huit li chinois) personne n’en a connaissance.
Et ceci, joint au fait que le Kin-che-yuan, ce précieux guide, ne
les signale pas, fait croire un peu hâtivement, un peu
paresseusement à leur absence, à leur disparition. Inutile de les
chercher, li par li, vers l’est, dans un rayon de huit li : s’ils
existent ce ne sont plus que des débris informes, meulés, que le
hasard seul peut indiquer. Ils ont plongé dans la terre violette
et grasse, la terre aux récoltes abondantes des rizières du
Sseutch’ouan qui dévore les champs de sépulture et jusqu’aux
routes, afin de mieux nourrir ses soixante-dix millions de
vivants... Et la mission Voisins, Lartigue et Segalen en a fait
son deuil, un peu vite...
Si bien qu’au retour d’une expédition dirigée sur un tout autre
but, huit li précis à l’est de Mien-tcheou, nous sommes tout
surpris d’entendre un de nos gens -Tcheou le palefrenier -
s’écrier: les Piliers! les Piliers! Il les avait cherchés comme
nous, et maintenant qu’ils étaient là, à deux cents pas, à droite
de la route, et que nous allions, tête baissée de fatigue d’une
étape de cent vingt li, les manquer à notre dernier passage, il
nous les signalait avec un bel à-propos.
Tcheou ma-fou avait acquis de ce fait le droit d’être
«portraituré » près des piliers de P’ing-yang. Malgré l’absence
volontaire de l’homme chinois moderne dans la plupart de nos
dessins de Chine antique, le voici, «donnant l’échelle »; la main
gauche familière sur l’épaule du pilier-contrefort de droite de
P’ing-yang (figure 16).
Ces piliers sont faits de sept parties étagées ainsi: socle, fût,
deux étages d’encorbellements, une frise, l’entablement, le toit.
Bien que l’usure de la pierre sableuse, mauve et grise, du
Sseutch’ouan soit assez avancée, on voit encore à quelle richesse
et quelle abondance atteignent les étages supérieurs.
Il est indiscutable que l’ensemble n’a plus sa primitive pureté de
lignes. Le monument est enterré d’environ trois pieds, ce qui
l’écrase, diminue son élancé, l’étale en largeur, et accuse la
lourdeur du couronnement. Ce pilier semble un être à grosse tête.
On y retrouve le bâtiment initial, compliqué de toutes les
caractéristiques d’origine, mais ici la pureté est détruite. C’est
bien encore la statue d’un t’ing, et pourtant cette statue n’est
plus un chef-d’oeuvre statuaire.
Le pilier contrefort, que l’on voit ici conservé, bien qu’usé dans
toutes ses parties, ne s’explique guère du point de vue décor dans
l’espace. C’est en réalité, un demi-adjuvant. Je ne connais pas,
dans l’architecture chinoise, d’emploi du demi-ting. Il faut
reconnaître que, peu nécessaire à un oeil européen, son
utilisation est ici aussi adroite que possible. Et quand on a
reconnu et dessiné un nombre sans cesse croissant de ces piliers,
on finit par les expertiser, dans leur paire et leur quadruple
hypostase, selon un art hybride qui leur deviendrait propre.
En revanche, les piliers du groupe de Mien-tcheou, piliers
complexes (3), composites, nous offrent tout à coup une richesse
de volumes et de formes, une abondance de morceaux «sculpturaux »
que la discrétion du pilier de Fong Houan ne laissait pas
supposer, que la rudesse laide et gauche des piliers maçonnés du
Honan et du Chantong rendait même peu espérables.
Entre les trois types extrêmes choisis: 1) pilier épigraphique,
maçonné, simple et pauvre de T’ai-che; 2) pilier pur, -statue -de
Fong Houan; 3) pilier décoré de P’ing-yang, se placent un certain
nombre de monuments analogues ou intermédiaires.
Les piliers de Kao Yi, qui avoisinent le beau tigre ailé déjà cité
comme type du félin sous les Han, appartiennent au type composite
de P’ing-yang. L’un d’entre eux n’est plus qu’un fragment; l’autre
mieux conservé présente une décoration plus sèche, parfois
maladroitement tumultueuse. Dans la même région se trouvent des
piliers laids et délités dont on ne peut dire si la laideur tient
à l’usure ou aux proportions initiales. Enfin, vraiment
intermédiaires entre Fong Houan et P’ing-yang se placent les deux
piliers de Chen, d’un art à la fois orné et délicat.
Ils sont plus étoffés, plus trapus que le pilier de Fong Houan, et
sans aller jusqu’à la «grosse tête » de P’ing-yang, ils présentent
un couronnement développé et fort décoratif sur lequel
apparaissent les plus belles petites statues en presque pleine
ronde-bosse que l’on dira tout à l’heure.
Or, ces piliers, divers, -au nombre d’une trentaine -totalement
inconnus de nous autres Blancs au début du siècle, et qui viennent
ainsi représenter à la fois la statuaire et l’architecture des
Grands Han, ces premiers témoins de la plus grande dynastie sont
vraiment de bien étranges, de bien insolites et mystérieux
monuments chinois.
Ils semblent apparaître brusquement dans les premières années de
notre ère chrétienne. Ni les textes les plus anciens, ni les
trouvailles les plus récentes ne parviennent à leur faire franchir
l’an zéro. Ce sont donc des épisodes soudains des Heou Han, Han
postérieurs, régnant à Lo-yang. Ils disparaissent d’ailleurs, non
point avec eux en 221, mais avec ce prolongement dynastique des
Han, qui sous le nom logique de Chou Han, Han du pays de Chou, aux
temps célèbres des Trois Royaumes, posséda pour quelques années de
plus, l’immense pays du Sseutch’ouan. Depuis, l’on n’entend plus
parler de ces piliers.
Sous les Han postérieurs, ils durent être abondants, copieux,
demandés, réclamés sur le terrain de toute sépulture riche. Le
fait est qu’on les trouve conservés, dans une proportion
inattendue. La statistique, toujours fausse, et aisément faussée,
peut intervenir ici. Il est probable que toute sépulture
«mandarine » élevée à l’époque des Han, qui régnèrent quatre cents
ans sur un pays immense, fut ornée de statues animales, peut-être
humaines. Or, on l’a vu, nous en possédons en tout six et les
débris d’une septième. Les piliers, au contraire, nous offrent une
trentaine de monuments dignes d’étude. Donc, si les mêmes causes
détruisent les uns et les autres, le nombre des piliers dut être
bien supérieur à celui des statues. Mais ceci peut être discuté.
Une statue de pierre, même sacrée, est, en Chine, quelque chose de
très périssable. Non pas que le Chinois ne respecte pas
l’antiquité: il la respecte au point que des Européens qui
ignorent tout de la Chine ont fait de cette vertu une vertu
proprement chinoise. Seulement il faut compter qu’en Chine, bon
gré mal gré, le vivant d’aujourd’hui, du temps présent, se
reproduit et croît. Et qu’un vivant n’a d’autre moyen d’existence
que de se nourrir des produits de la terre. Tout en Chine, se
résume en la terre, dans le sol. Un sol sacré qu’on n’ose toucher,
ni fouiller, mais que l’on cultive avec soin, et qui dévore les
morts. C’est ainsi que la plupart des sépultures sont ensemencées,
que les tumulus sont rasés, les emplacements détruits. Cela est
surtout vrai en ce pays béni du Sseutch’ouan, où la terre de belle
couleur sombre et mauve donne trois récoltes par an, où les hommes
sont si nombreux qu’ils préfèrent «porter » pour manger et
expulsent la bête de faix concurrente.
Et si, dans cette invasion, les piliers furent davantage
respectés, c’est que les piliers n’avaient pas, auprès des
antiques Chinois, le même caractère que les statues, celui d’être
-ainsi que je l’ai posé, d’un point de vue plus vaste que celui de
l’antique Chine même, une Statue -, mais de porter, en caractères
les noms et titres du défunt. Le pilier, du point de vue chinois,
du regard chinois, est une stèle. Ceci explique sa préservation
relative, le respect dont on entourait sa base. Respect relatif
lui aussi, puisque l’un des plus beaux piliers, anonyme il est
vrai, de la région de K’iu-hien, penche, penche jusqu’à la chute
prochaine dans la rizière nourricière, où il va, bientôt, choir et
disparaître (figure 17).
Stèles et piliers, confondus dans le chapitre qui va suivre -et
clôturera l’époque Han -vont nous servir à prolonger dans le
volume de pierre, -sous petite taille mais grande allure -
l’exemple et la connaissance de l
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