Découvrons l’ivresse dans toute l’ampleur de sa définition : considérée non plus comme seul état physiologique et mental découlant de la consommation éthylique mais comme un vaste panel de comportements cherchant à transcender la condition humaine – qu’ils soient délétères ou non, aliénants ou non. L’ivresse comme amour de la vie, motivée par l’envie de lier une communion plus intense avec les siens ou d’atteindre les idées divines et spirituelles d’un monde absolu ; l’ivresse comme dégoût de la vie, échappatoire ou longue agonie pour s’enfuir de l’existence plus ou moins confortablement.
Dans leur anthologie des Poèmes et Proses des Ivresses, Vincent Bardet et Zeno Bianu proposent au lecteur une sélection dense et diversifiée de textes. Toutes les époques sont balayées, de Pline l’Ancien (1e siècle) à Lou Reed en passant par Clément Marot (16e siècle) ou Milarepa (11e siècle). Il en va de même pour les cultures, qu’il s’agisse de découvrir l’Asie (Li Pai, auteur de la dynastie Tang), l’Afrique (Ndong Asseko, auteur du Gabon), ou les auteurs généralement mieux connus d’Europe et d’Amérique, ainsi que les contes intemporels qui constituent le fondement des différentes cultures historiques (Les Milles et une Nuits, Le Cantique des Cantiques, l’Epopée de Gilgamesh…). Les formes textuelles ont également été représentées dans leurs variétés : en proportions relativement égales, on trouvera autant de textes poétiques que de textes en proses –parfois même des formes plus libres qui se rapprochent de l’expression plastique avec des dessins ou des calligraphies. Le travail de regroupement réalisé par Vincent Bardet et Zeno Bianu est remarquable et permettra au lecteur de découvrir et de s’intéresser à un grand nombre d’auteurs. De quoi alourdir encore –s’il le fallait- le poids de ses étagères.
« Je ne me soucie plus d’aucune chose ; je n’ai plus de métier, je n’ai plus d’amis ; -je fume. L’opium, chaque jour, m’enfonce plus profond dans moi-même. Et j’y découvre de quoi m’intéresser assez pour oublier le dehors. »
Ainsi s’exprimait Claude Farrère dans « Fumée d’opium ». Pour peu que l’on soit aussi absorbé dans notre lecture de cette Anthologie que Farrère dans son opium, on prendra conscience d’être soi-même sous l’emprise d’une merveilleuse forme d’ivresse…
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