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3.58/5 (sur 6 notes)

Nationalité : Belgique
Né(e) à : Leuven , 1954
Biographie :

Vincent Litt, médecin et anthropologue est né en 1954 à Leuven. Il a grandi à Liège et vit à Orbais dans le Brabant wallon. Il écrit des nouvelles, de la poésie et des romans.
Après ses études de médecine, il travaille pendant quinze ans en Afrique et au Cambodge pour l’organisation d’hôpitaux et de centres de santé. Il se consacre toujours à cette tâche, à l’étranger et en Belgique. Plus récemment, il a étudié l’anthropologie et développe ce regard-là dans son métier. Bord de doute suit son premier roman Noyez les chatons ! paru en 2008.

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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Un peu avant cela, d’autres clans s’étaient installés à Badényabougou, avaient mis les communications téléphoniques hors d’usage et coupé la route d’accès au bac. Contrairement à celles de notre petite ville, à Badényabougou, les bandes avaient été plus agressives. Elles ne s’étaient pas contentées du rôle d’éclaireur qu’elles avaient pris au départ des trois concessions urbaines. Elles avaient réellement bouclé le canton et rapidement affamé les gens. Elles avaient fait main basse sur les stocks de vivres du marché et rassemblé les troupeaux de la région. Elles frappaient ceux qui leur résistaient. Elles cherchaient de l’argent, des bijoux et pour cela retournaient les maisons de fond en comble. Le dépôt de médicaments et sa maigre caisse avaient fait partie du lot. A plusieurs reprises, Sanoussi s’était interposé. Son logement et la salle de soins du dispensaire avaient été sauvagement ciblés, comme tout ce qui avait un lien avec l’État, le progrès, l’occidentalisation du monde. La coopérative avait été, elle aussi, mise à sac, puis l’antenne des travaux publics, l’école et la station vétérinaire.
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Pendant quelques instants, avec mon rôle de toubib, j’avais pris le dessus, mais je savais que ça n’allait pas durer : ou bien un de ses enfants étaient gravement malade, ou bien, on était dans l’embrouille. La seconde hypothèse était la bonne. Il a ri très fort, il sentait le cognac. D’un mouvement surjoué de son bras, il m’a prié de pénétrer dans son salon flanqué de fauteuils et de divans en surnombre, couvert au sol de tapis aux couleurs criardes. Au milieu de la pièce trois bonshommes me fixaient. Démo me les a présentés comme des inspecteurs de pharmacie. Ils avaient, eux aussi, revêtu leurs boubous du soir. Verres à la main, ils terminaient un rire. Comme si Démosthène était leur invité, ils m’ont fait signe de m’asseoir avec eux et tel un perroquet, le député n’a eu qu’à répéter leur sollicitation. On aurait dit trois frères ou trois cousins, tous larges et épais, pourvus de jambes extra longues qu’ils repliaient péniblement sur le bord du canapé. (…)
On m’a apporté du whisky. La conversation allait bon train entre les trois inspecteurs et leur hôte. Ils passaient du bambara au français et faisaient de longs détours par une autre langue qui pouvait être du songhaï. Ils ne m’adressaient pas la parole, causaient et riaient entre eux, mélangeaient les idiomes, je n’existais pas sauf pour remplir mon verre. Pas de place bien sûr pour parler de Hissein et de ses agissements. Je connaissais bien cette manière de dénigrer quelqu’un, de lui faire croire qu’il a accès aux conversations les plus fraternelles ou les plus secrètes et de la garder au milieu du jeu de quilles en l’ignorant.
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Un pont était fermé cinquante kilomètres plus loin. Je connaissais bien la rivière à traverser et ce tablier en mauvais état, carrément fendu, qui menaçait depuis longtemps de s’écrouler. La fermeture avait enfin été décidée, mais il allait falloir attendre la saison sèche pour entamer les réparations et durant des mois, les véhicules passeraient par une chaussée submersible aménagée en contrebas. Ca promettait d‘être une grosse galère, les embourbements de camions dans le gué, les ensablements dans la remontée vers l’autre rive. C’était une aubaine pour les villageois aux alentours ; ils allaient se faire payer cher et vilain pour décharger et recharger, pousser, tirer et dépanner les véhicules. Dans pareilles situations, il y avait souvent des drames, comme ce camion-citerne qui s’était renversé dans la descente vers un gué, se mettant à suinter de l’essence, attirant femmes, hommes et enfants munis de seaux et de bidons, venus recueillir un peu du précieux liquide qui disparaissait dans le sable. Le bruit de l’explosion s’était propagé à des kilomètres, une colonne de fumée noire avait obscurci le ciel pendant des heures. C’était Lasséni qui m’avait raconté cette horreur, trente-deux morts, des dizaines de blessés. Cinq de ses amis gendarmes avaient péri dans des souffrances atroces. Depuis, quand on annonçait un passage à gué sur une route de cette importance, je prenais mes précautions, je m’informais de poste en poste. Ce jour-là, tout se passait bien, le pont était fermé depuis une heure ou deux, pas encore de catastrophe déclarée, de camion embourbé, de semi-remorque ensablé ou de citerne renversée.
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Je m’étonnais tous les jours de cette faculté qu’on avait par là-bas de faire comme si de rien n’était, de se saluer gaiement à demander comment va la famille, la santé, le travail, la fatigue, et tout et tout, même quand planait une hargne solide. Démosthène m’avait envoyé son soldat privé, j’avais été menacé, agressé, et monsieur me saluait chaleureusement, pire il a allumé son poste de radio à ondes courtes, préréglé sur Radio France International, en est sortie Véronique Sanson.
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Sanogo était passé du gris clair au gris transparent, l’infirmier-major s’était éclipsé et le comptable fouillait dans ses papiers sans savoir ce qu’il aurait bien pu y trouver. Se pavanant, les trois gaillards sont repartis dans leurs chaussures de bal. Ils enverraient leur rapport et il n’est jamais arrivé. Sanogo et son comptable n’allaient certainement pas me dire ce qu’ils savaient des raisons d’être de cette incursion surréaliste. Ils complétaient leurs maigres et discontinus traitements de fonctionnaires par des prélèvements sur les frais de fonctionnement de l’hôpital et redistribuaient le long d’une chaîne d’employés de la mairie, des impôts et de la sous-préfecture, une partie de leurs gains, transferts qu’il ne fallait pas mettre en péril. Le silence des uns valait la protection des autres, quels que fussent les montants ou les enjeux.
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La route et ses barrières. A mon arrivée dans la pays, j’avais vécu ces contrôles comme des atteintes à ma dignité, comme des agressions, puis, allez bon, j’avais compris qu’il valait mieux en rire. J’avais mis au point une tchatche pour que les arrêts ne durent pas des plombes. Il y avait aussi plein de gars qui me connaissaient, j’avais soigné leurs gosses, celui du frère ou de la sœur. Parfois la vérification des papiers se transformait en consultation à la portière. A ces occasions, tout médicament était le bienvenu, ça faisait des économies, ça se revendait facilement et c’était personnalisé. Je n’en avais pas toujours avec moi, alors je les promettais pour la prochaine fois, pas un n’oubliait.
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Puis la route avait repris toute droite, avec ses semis bourrés à plus de cinquante tonnes. Plusieurs dizaines de personnes campaient là-haut sur les charges. Les attelages penchaient, avançaient en crabe, on avait envie de se garer pour les laisser passer, mais il aurait fallu s’arrêter toutes les deux minutes, ça circulait à fond sur ce tronçon-là, et dans la ligne droite ils prenaient eux aussi de la vitesse. Arrivés au virage, parfois ils versaient. Tout le monde savait qu’à cet endroit, la courbe était penchée dans le mauvais sens, mais certains jouaient avec la limite.
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Il faisait très chaud, très sec. Epines et bouts de bois entraient dans mes sandales. Jamal portait des nu-pieds taillés dans des déchets de pneus. J’avais essayé ce genre de chaussures, c’était affreux, les bords des sangles entraient dans la chair et il fallait plusieurs semaines pour s’y habituer. Une fois les épaississements de corne et les durillons formés, la semelle de caoutchouc faisait corps avec la plante du pied et la marche devenait très aisée, même sur une route.
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Pour Jamal, […] j’étais en danger. Je donnais l’impression de narguer les miliciens. Il était persuadé que c’était moi qui étais au départ visé, que c’était moi que les malfrats voulaient enlever, mais j’étais difficile à attraper. Pour aller à l’hôpital, je circulais dans les rues combles et en dehors de cela, mes déplacements dans la bourgade étaient imprévisibles. Sur les routes, Lasséni et ses hommes veillaient. Il ne m’aurait d’ailleurs plus laissé circuler seul sur les pistes qui menaient à Badényabougou. […] De l’autre côté de la frontière, je n’aurais pas non plus été en sécurité. […] Jamal avait décidé de dévier ma route, instruction avait été donnée au docteur Sanogo d’orienter Amin vers ce village perdu. Ensuite, nous devrions, Fatimé et moi, le rejoindre dans son nid d’aigle. Cette décision de Jamal était dure à entendre, j’avais l’impression qu’il allait trop loin, que ses précautions étaient excessives, mais il connaissait mieux que moi cet environnement de brigandage et de violence.
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Qui était dans la dèche ? Comment savoir ? Des éleveurs richissimes portaient des vêtements rapiécés et cachaient des liasses de billets dans les poches de leur gandoura élimée, des familles entières ne mangeaient pas à leur faim et dissimulaient leur pauvreté derrière des vêtements soignés.
Sanoussi savait qui était qui. Quelques questions lui suffisaient à préciser d’où venaient les gens, la taille de leur troupeau ou celle de leurs champs. Il croisait les informations, faisait référence à des personnes connues. À d’autres endroits dans le monde, on avait des systèmes informatisés de sécurité sociale. À Badényabougou, l’ordinateur central, c’était Sanoussi.
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