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Citation de Charybde2


Depuis quelques années, les enfants de l’après-guerre faisaient valoir leurs droits à la retraite. Longtemps, on s’était plu à répéter que ce départ massif ferait enfin baisser le chômage. Cora avait entendu ça toute son adolescence. Sur le papier, c’était logique et ça donnait de l’espoir. Dans la réalité ça ne s’était pas passé comme ça. Les industries semblaient s’être envolées sans retour vers des pays où les gens étaient prêts à se laisser réduire en quasi-esclavage pour ne pas mourir de faim comme l’avaient fait leurs parents par millions. Que s’était-il passé ? À quel moment est-ce qu’on s’était plantés ? Les Européens avaient-ils vécu au-dessus de leurs moyens, maintenus par des hommes politiques préférant creuser le déficit plutôt que risquer la défaite dans une indolence qui les empêchait de s’adapter au monde qui naissait autour d’eux ? Ou bien est-ce que c’étaient les multinationales et les élites qui accaparaient la richesse en planquant leur argent et en représentant l’impôt comme une menace à la croissance ? Dans les journaux que lisait Cora, les experts n’arrivaient jamais à se mettre d’accord là-dessus. Ce qui était certain, c’est que les changements du monde lançaient aux entreprises de véritables défis, de sorte qu’elles n’avaient d’autre choix, à leur tout, pour se montrer à la hauteur, que de mettre au défi leurs employés, lesquels mettaient au défi leurs enfants pour qu’ils puissent bientôt affirmer d’une voix nette, au timbre stabilisé, que cela tombait bien car ils se trouvaient eux aussi adorer les défis, et étaient impatients que leurs journées en soient pleines à ras bord.
Souvent, Cora se demandait pourquoi elle persistait à absorber chaque jour une dose de cette rumeur du monde. C’était sons sens du devoir – le plaisir de voir plus large – une volonté de se distraire – une forme de masochisme. Ces discours se présentaient comme autant de gélules d’apparence identique ; certaines allaient libérer, en fondant, les molécules d’une lucidité nécessaire, d’autres les toxines d’idéologies enrobées dans le sucre du bon sens, mais c’était dans des proportions qu’il était impossible de préciser, et on ne savait jamais s’il s’agissait d’effets secondaires inévitables ou d’un projet d’intoxication collective.
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