MON ÉPOPÉE / CHANT 1. / COMMENT KONSTANTIN PETERZHAK A DES FOIS UN VISAGE /
Extrait 3
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des fois ça m'arrive :
je lave ma bouche à l'eau de pluie
je vis torse nu
je ressemble un peu à moi-même
un fin duvet me pousse en dedans
un fin duvet me pousse sur la tête
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ceci est mon vrai visage / georgy flyorov /
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ceci est mon vrai visage
MON ÉPOPÉE / CHANT 1. / COMMENT KONSTANTIN PETERZHAK A DES FOIS UN VISAGE /
Extrait 2
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ici
dans mes pelouses
dans mes steppes intérieures :
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je suis le nuage
je suis le grand chien
je revêts cent huit apparences
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ici :
je caresse la tête d'un cheval qui pâture
je caresse l'échine d'un porc
mes crocs sont solides et carrés
je me perds avec joie dans les terres montueuses
j'appelle un bœuf musqué par son nom
je porte soixante-deux ramures
…
nous ; petites voix ; petites voix de types et de nanas ; petites voix minuscules de types et de nanas ; petites voix minuscules émergeant du noir, voix de types et de nanas ; flots fluets de petites voix minuscules émergeant du noir et dans le noir, voix cassées de types et de nanas ; flots fluets de petites voix s'écoulant, minuscules,.....
nous, premiers êtres, premiers saumons, premiers saumons courant sur terre, premières lumières et premiers êtres, premiers nés sous la voûte, campant nous autres dans les ventres, les cœurs battants des yourtes, premiers de tous les êtres premiers, de toutes les bêtes rugissantes courant sur terre ras-du-sol, premiers errants au-dessus des eaux, parcourant terre d'un bord à l'autre, premiers la sillonnant, ..
La surface du monde. L'échiquier tranquille du petit monde tranquille des villes et des villages. Comme nos pères et nos grands-pères nous chercherions dans le fond à réveiller le monde. À l'empêcher de sombrer. De s'effondrer dans le sommeil.
MON ÉPOPÉE / CHANT 1. / COMMENT KONSTANTIN PETERZHAK A DES FOIS UN VISAGE /
Extrait 1
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un jour
une fois / c'est à dubna / c'est au centre atomique / c'est à la
cafétéria / c'est tôt le matin / avant le travail /
sans raison konstantin peterzhak dit :
ceci est ce qui se passe dans mon ventre ceci est mon épopée / ma friction avec le monde /
ceci a lieu quelque part / dans mes pelouses / dans mes steppes intérieures /
ceci est mon chant 1.
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Puis c'est fini. Fini fini.
Fini fini?
Oui. Fini fini.
Ah bon.
Oui.
Un jour.
Quelque chose arrive.
A Kirkjubaejarklaustur.
Où ça?
Kirkjubaejarklaustur.
Quoi ça?
Quelque chose.
dans ce qui aurait conservé, quelque part, quelque chose des bêtes, leur chaleur, nous, les voyant de loin, les repérant depuis des plombes, depuis la route, les chaos de la route, camions nous charriant, transportés jusqu'ici, jusqu'à elles, nous réjouissant, dans le fond, de les revoir, nos garçonnes, nos femelles d'amour, espérant ne pas les avoir oubliés, les cadeaux, les petits paquets de sucre, ou de soupe en poudre, ou de purée lyophilisée, à la patate douce, aux poireaux amers, que sais-je
Puis. Il dit. D'accord. Ami. Je te prête l'argent. Je te donne tout ce qu'il faut pour que tout ça. L'affaire. Reprenne. Je récupère ainsi l'argent. Je prends cinquante pour cents. D'accord. Ami. Fait l'autre. Boosniikhon. De sorte que ça. Dalandzadagad. Reprend vie. On plante des tentes. Légalement. On construit. Bergeries. Ça ressemble autant à Khereid qu'à Boosniikhon. Ils se partagent les bénéfices.
Subitement. Il pense à tous les visages des morts. À tous ceux qui viennent lui chatouiller les pieds. La nuit. Dans les steppes. Et il ne sait pas pourquoi il y pense mais il y pense. Et il frissonne. Lui. Le grand Goitre. Et personne ne voit lui. Le grand Goitre.
Ne pensant jamais aux os. Aux ruines. Aux membres brisés. Jamais. Que nous laisserions. Derrière nous. Ne regrettant rien en somme. Ni nos bobonnes massives. Ni nos vies. Ennuyeuses. D'autrefois. Dans le purin des chevaux. Dans la glaise gelée. Ou le manège incessant des ours et des loups. Brisant nos barrières.