On a peut-être bu du thé dans de la porcelaine des Ming, voire en devisant de Confucius, sans éprouver le besoin de rectifier ses idées morales ou politiques d’après les idées des Chinois. Et même l’admiration pour une nation étrangère n’est pas une preuve d’une influence exercée par cette nation sur ceux qui l’admirent. Il y eut peut-être beaucoup de gens qui ont été dans le même état d’esprit que Saint-Evremond, qui était prêt à célébrer la vertu des Chinois, mais qui n’eût pas voulu vivre à Pékin, parce qu’on n’y trouvait La Chine et la formation de l’esprit philosophique en France pas de beurre et qu’on n’y mangeait pas d’huîtres. Le docte et grave Mathieu Marais, bien qu’en termes moins choisis, a exprimé exactement la même idée.
Leur admiration pour la Chine ne leur a pas donné le désir de « s’inoculer l’esprit chinois ».
Pour avoir le désir de « s’inoculer » l’âme d’une nation étrangère il faut semble-t-il éprouver d’abord une inquiétude d’esprit, ou de sentiment qui empêche de se satisfaire entièrement de tout ce qui constituait, jusqu’à ce jour, la vie intellectuelle et morale. Mais il faut, en outre, que cette nation étrangère vienne, au moment précis où se manifeste cette inquiétude, apporter de quoi satisfaire des besoins et des désirs qui, pour être informulés ou inconscients, n’en sont pas moins déterminés. Et le mot de Pascal s’applique ici aussi : Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais déjà trouvé.