BANDE ANNONCE PIERROT LE FOU JEAN LUC GODARD BELMONDO
Il y a certains moments où j’ai New York en horreur ; je déteste les millions de créatures égoïstes, nerveuses et agitées qui grouillent dans ses rues. Un inoffensif citoyen peut être sauvagement assassiné devant cinq cents témoins, et pas un seul ne lèvera le petit doigt pour le défendre ou n’appellera même à l’aide.
Pearl était une drôle de fille. Après deux ans de vie avec Red, elle ne le désirait plus du tout. Mais, femelle jusqu’au bout des ongles, voluptueuse, convoitée par les hommes, elle ne supportait pas d’être plaquée pour une autre.
Je n’ai pas l’habitude d’écouter aux portes, et ma pire ennemie ne m’accusera jamais de mettre le nez dans les affaires d’autrui, mais ce n’est pas ma faute si certaines personnes ont le verbe trop haut.
Il faut d’abord essayer de comprendre ce qu’est l’amour. Supposons, par exemple, que vous ayez une épouse, ou un fils… qui boive. Qui se saoule. Qui en soit malade, et ne puisse se maîtriser et cesser de boire. Cesseriez-vous de l’aimer et de vous occuper de lui ? Je ne crois pas, si vous l’aimez vraiment. Les contrariétés et les souffrances qu’il vous ferait subir seraient sans importance, à vos yeux. Tout au fond de votre cœur, vous ne lui feriez même pas de reproches. Vous vous efforceriez simplement de le guérir.
Dans une enquête criminelle, m’expliqua le lieutenant, on pose des tas de questions dont l’importance ou le rapport avec le meurtre n’apparaît pas toujours bien clairement aux yeux du profane. Il se peut même que j’aborde des sujets plus ou moins gênants et qui vous paraîtront ne pas me regarder du tout !
La victime… Personne ne mérite d’être assassiné, bien sûr, et la loi l’interdit formellement, mais, à en juger d’après les résultats de mes premières investigations, elle avait donné à nombre de ses semblables de sérieux motifs de passer outre à l’interdiction.
Il y avait un tas de choses que je n’avais pas oubliées, même si j’avais fini par m’en passer. Je n’avais pas oublié les femmes. Mais ces six mois de célibat forcé m’avaient produit un certain effet. Dieu sait si j’avais rêvé des femmes, si j’en avais eu envie. À certains moments, j’avais cru devenir fou rien que d’y penser. Mais, le procès liquidé et ma libération obtenue, la reprise de contact avait été trop brutale. Ça m’avait pour ainsi dire paralysé. J’étais comme un homme longtemps condamné à garder le lit ; lorsqu’il est enfin rétabli et capable de se remettre à circuler, il a un peu peur de faire le premier pas.
Alors, cet homme, qui depuis sa plus tendre enfance n’avait obéi qu’à la loi de la jungle ; qui n’avait jamais sacrifié de sa vie que sur les autels de l’égoïsme et de la cupidité ; qui ne s’était jamais senti en communion intime avec personne, alors, cet homme, ce Deant, sentit naître en lui une pensée étrange et insolite.
« C’est l’amour qui la pousse à ça, songea-t-il. Un amour plus fort que l’égoïsme et le souci de sa propre sécurité, plus fort que la peur ou le désir. » Pour la première fois de sa vie, Cal Deant comprit que le cœur humain recélait des trésors qu’il n’avait jamais soupçonnés.
Certaines femmes flirtent sans que cela tire à conséquence, mais en Patricia je reconnus la femme pour qui le flirt n’est que le prélude à l’aventure. Je ne sais comment ces choses-là se devinent, mais on s’y trompe rarement. Je n’irai pas prétendre qu’elle était nymphomane. Pas du tout. Mais je suis certain que les passades n’ont pas manqué dans sa vie.
Elle était de ces femmes que la curiosité, l’ennui ou la recherche d’un plaisir insaisissable jette dans les bras de partenaires toujours renouvelés.
Il ne s’agissait pas de présomptions erronées. La question n’était pas de savoir si j’avais tué ou non la fille, ni même ce que les autorités pensaient à ce sujet. C’était purement et simplement un coup monté. Quelqu’un s’efforçait de prouver que j’avais tué la fille. Pour une raison quelconque, quelqu’un faisait tout son possible pour prouver indubitablement que j’étais coupable d’assassinat.