L'Évangile n'est pas cette doctrine émasculée à laquelle l'on réduit des gens superficiels. C'est, bien au contraire, une puissante énergie spirituelle, la seule capable d'ordonner la vie des hommes en communauté fraternelle, en faisant tout reposer sur un fondement nouveau, sans violence et plein de cet amour qui, venu tout droit d'en haut, fait irruption dans l'existence du chrétien.
Mais il serait erroné de vouloir juger Martin du point de vue du XXe siècle. C'est à partir de sa propre époque qu'il nous faut le comprendre. Or, son siècle ignorait encore l'idéal de la société pluraliste qui, à y bien regarder, est un idéal bourgeois et pose beaucoup de questions. De plus, nous sommes un peu las de trop de discours sur la tolérance car, très souvent, ils procèdent de l'indifférence et non pas de la ferveur pour la vérité. Il n'existe pas des vérités différentes et de valeur égale. Certes, de multiples voix conduisent vers la vérité, mais il n'est qu'une vérité.
On ne gagne rien à vouloir rendre le christianisme inoffensif, à une époque où tous les chrétiens se trouvent en situation de diaspora face au paganisme moderne. Nous avons besoin de confesseurs courageux, d'hommes qui possèdent la liberté et l'audace intérieures nécessaires pour affronter le climat dissolvant de notre époque.