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Citation de Satine


Satine
24 décembre 2010
Un ouvrier : Je ne vis que pour mon alêne. Les artisans, les femmes, je ne me mêle pas de leurs affaires : et pourtant je les tiens tous en haleine. Je suis le chirurgien des vieilles godasses. Oui, monsieur. Si elles trépassent, qu’on me les passe ! Ah, combien d’hommes ont passé sur le travail de mes mains ! Jamais plus élégants n’ont marché sur de la vache !

Casca : N’êtes-vous pas ému, quand tout l’ordre du monde tremble, porte déjointe ? O Cicéron, j’ai vu des ouragans dont les vents pleins de cris fendaient le tronc nouveau des chênes. J’ai vu, parfois, l’ambitieux océan se gonfler, de rage, d’écume, jusqu’à toucher les nuées menaçantes. Mais jamais avant cette nuit, jamais jusqu’à présent je n’avais traversé de tempête de feu… Soit la discorde est dans le ciel et le déchire, soit le monde trop insolent a irrité les dieux, qui lui envoient mort et désastre.

Calpurnia : César, je n’ai jamais cru aux présages, mais aujourd’hui ils m’effrayent. Un homme est là qui, à ce que nous avons vu et entendu, ajoute de terribles merveilles vues par le guet. Une lionne a mis bas dans la rue, des tombes ont bâillé et vomi leurs morts, et des soldats en feu ont heurté dans les nues les farouches rangées de leurs bataillons. Le brouillard de leur sang couvrit le Capitole, le bruit de leur combat transperça le ciel, et l’on a entendu leurs chevaux hennir, leurs mourants geindre et des spectres glapir et siffler dans nos rues ! O César ! Tout cela dépasse la nature et me fait peur !

Antoine : Oh César, il est vrai que je t’aimais, et ton esprit, s’il nous contemple maintenant, ne s’afflige-t-il pas, bien plus que de ta mort, de voir ton cher Antoine avec tes adversaires faisant sa paix, serrant leurs doigts sanglants, ô très noble ! et cela devant ton corps ? Si j’avais autant d’yeux que toi de blessures, et pleurais aussi fort que ton sang coule, cela me siérait mieux que de venir ainsi faire amitié avec tes ennemis. Pardonne-moi, César. Ici tu fus aux abois, brave cerf, ici tu es tombé. Et voici tes chasseurs, souillés de ta dépouille, empourprés de ta mort. Monde, tu as été la forêt de ce cerf, et lui, c’était ton cœur. Ah, que tu sembles, pauvre bête abattue, le hallali d’une chasse de princes !

Antoine : Ô peu de terre ensanglantée, pardonne-moi si je suis aussi humble avec ces bouchers ! Tu es la ruine de l’homme le plus noble qui fut jamais dans le cours des temps. Malheur à qui versa ton sang précieux ! Sur tes plaies, ces bouches muettes, mais qui ouvrent leurs lèvres de rubis pour réclamer le secours de ma voix, je prophétise qu’une malédiction va fondre sur les hommes. Domestiques fureurs, âpres guerres civiles vont désoler la terre d’Italie. Sang et ruine seront monnaie si courante, les spectacles affreux si familiers que les mères n’auront plus qu’un sourire quand leurs enfants seront écartelés par les mains de la guerre. Toute pitié s’étouffera dans le pli de l’horrible, et l’âme de César en quête de vengeance, avec Até surgie brûlante de l’Enfer, criera : « Pas de quartier ! » de sa voix de monarque, lâchant sur nos pays ses chiens de combat. Ô puanteur qu’exhalera ce crime sur la terre chargée de débris de corps implorant sépulture !

Brutus (extrait quatrième de couverture) : Romains, mes concitoyens, mes amis ! Ecoutez-moi plaider ma cause, et taisez-vous pour mieux entendre je vous prie. Je vous demande de me croire sur l’honneur. Et d’avoir égard à mon honneur pour me croire. Jurez-moi dans votre sagesse. Et pour juger le mieux possible, tenez vos sens en éveil. S’il y a parmi vous quelque vrai ami de César, eh bien, qu’il sache que l’amour que Brutus portait à César n’était pas moindre que le sien. Et s’il demande pourquoi Brutus s’est dressé contre César, voici ma réponse : je n’aimais pas César moins, j’aimais Rome davantage. Préférez-vous César vivant, et mourir esclaves, ou César mort, et tous vivre libres ? César m’aimait, je le pleure. Il connut le succès, je m’en réjouis. Il fut vaillant, je l’honore. Mais il fut ambitieux et je l’ai tué. Pour son amitié, des larmes. Pour sa fortune, un souvenir joyeux. Pour sa valeur, du respect. Et pour son ambition, la mort. Qui parmi vous est assez vil pour accepter d’être esclave ? Si un tel homme existe, qu’il parle. Car lui, je l’ai offensé. Qui est assez grossier pour ne pas désirer d’être un Romain ? Si un tel homme existe, qu’il parle. Car lui, je l’ai offensé. Qui est abject au point de ne pas aimer son pays ? Si un tel homme existe, qu’il parle. Car lui, je l’ai offensé. Je m’arrête et j’attends.

Antoine : Si vous avez des pleurs, préparez-vous à les répandre. Vous connaissez ce manteau. Je me souviens de la première fois que César l’a porté. C’était un soir d’été, sous sa tente, le jour de la défaite des Nerviens. Voyez-le, maintenant. Ici a pénétré la dague de Cassius. Ici, cette déchirure, c’est de Casca, le fourbe. Et là, Brutus, le bien-aimé, a frappé. Quand il retira son fer maudit, voyez comment le sang de César s’est jeté à sa suite, au-dehors, pour se convaincre que c’était bien Brutus qui avait frappé. Car César le tenait pour son ange, vous le savez : jugez, ô dieux, comme il devait l’aimer. Certes ce fut l’atteinte la plus cruelle. Quand César eut compris, l’ingratitude, plus forte que les bras perfides, l’a vaincu. C’est alors qu’a cédé son vaste cœur. Dans son manteau il a caché sa face, et sous la statue même de Pompée, qui ne cessait de répandre du sang, le grand César est tombé. Quelle chute, citoyens ! Moi, vous, nous tous sommes tombés avec lui, sous la sanguinaire trahison… Mais vous pleurez. Je vois que la pitié vous a touchés au cœur. Ô pieuses larmes ! Et de notre César pourtant, âmes aimantes, vous ne pleurez que le manteau blessé. Mais voyez-le lui-même, ici, navré par la main des traîtres ! (Il arrache le manteau).

Antoine : Je compte plus de jours que vous, Octave ! Si pour nous libérer de la calomnie nous plaçons sur lui tant d’honneurs, c’est pour qu’il les transporte comme l’âne, tiré, poussé, suant et gémissant, porte l’or où nous le voulons. Mais quand Lépide aura mis en lieu sûr notre trésor, nous le déchargerons pour qu’il s’en aille, comme l’âne au repos, paître au pré communal en remuant les oreilles.
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