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Citation de Nastasia-B


— Qui, au nom du ciel, est Ferdy Rabenstein ? demanda George.
Vanité de la gloire ! Le génération précédente eût trouvé cette question saugrenue.
— Il y a au moins vingt ans qu'il est votre grand-oncle, répliquai-je.
Les parents avaient échangé un coup d'œil.
— Un horrible vieux, dit Muriel.
— Je trouve tout à fait inutile pour George de renouer des relations qui ont été rompues avant sa naissance, dit Freddy d'un ton sans réplique.
— Enfin, la commission est faite, dis-je de mon air le plus détaché.
— Je ne veux pas voir ce vieil imbécile, déclara George.
L'arrivée des autres invités interrompit fort à propos cette conversation et bientôt le jeune homme partit pour le golf avec un de ses camarades d'Oxford. […]
— J'espère que nous ne vous avons pas choqué en refusant de laisser George déjeuner avec Ferdy, dit-elle soudain. C'est un snob insupportable.
— Croyez-vous ? En tout cas, il a été toujours très aimable pour moi.
— Nous sommes brouillés depuis vingt ans. Freddy ne lui a jamais pardonné son attitude si peu patriotique pendant la guerre. Il y a des limites à tout. Vous savez, il s'est absolument entêté à conserver son horrible nom allemand. Avec Freddy au Parlement, notre fabrique de munitions et tout le reste, c'était inadmissible. Qu'est-ce qui lui prend de vouloir voir George ? En quoi peut-il l'intéresser ?
— C'est un vieillard. George et Harry sont ses petits-neveux. Il faut bien qu'il laisse son argent à quelqu'un.
— Nous ne tenons pas à son argent, coupa sèchement Muriel.
Peu importait, après tout, que George déjeunât ou non avec Ferdy Rabenstein et je ne demandais qu'à changer de conversation, mais les Bland avaient dû en parler et Muriel éprouvait le besoin de me donner une explication.
— Vous savez sans doute que Freddy a du sang israélite dans les veines, dit-elle.
Son œil se durcit. La blonde Muriel avait été très jolie. Aujourd'hui, l'obésité la guettait, mais elle se défendait avec énergie et pouvait encore passer pour désirable. Ses yeux bleus à fleur de peau, son nez large, la forme de son visage et l'attache de son cou, son exubérance trahissaient sa race. Aucune Anglaise, même blonde, n'a jamais cet air-là. Et cependant sa remarque n'avait d'autre objet que de me convaincre qu'elle était chrétienne. Je répondis avec prudence.
— Tant de gens en ont aujourd'hui.
— Je sais. Mais il n'y a pas de raison pour s'en vanter, n'est-ce pas ? Après tout, nous sommes foncièrement anglais ; qui pourrait être plus anglais que George, comme apparence, comme manières, en tout ? Et il est un sportsman accompli. Je ne vois pas pourquoi il perdrait son temps avec des juifs, sous le prétexte d'une vague parenté.
— C'est très difficile à présent, en Angleterre, de ne pas connaître de juifs.
— Vous pouvez le dire. À Londres, on en est infesté, mais j'avoue qu'il y en a de très agréables. Ils sont si artistes. Je ne vais pas jusqu'à dire que Freddy et moi nous les évitons par principe — c'est une chose que je ne ferai jamais — mais il se trouve que nous ne sommes vraiment liés avec aucun. Et ici, il n'y en a pas un seul à voir.
Je ne pus m'empêcher d'admirer ce ton convaincu. Peut-être, en somme, croyait-elle tout ce qu'elle racontait.

LA VOIX D'ISRAËL.
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