Xavier Tricot

Fuyant la canicule parisienne au cours de l'été 1926, le grand écrivain irlandais James Joyce (1882-1941), a passé avec sa muse et son épouse Norma Barnacle (1884-1951), leur fils Georgio (1905-1976) et leur fille Lucia (1907-1982) un temps dans la ville balnéaire belge d'Ostende.



L'auteur, Xavier Tricot, qui est né à Ostende en 1955, est artiste-peintre et un grand connaisseur de l'oeuvre des peintres James Ensor (1860-1949) et Léon Spilliart (1887-1946), qui ont tous les 2 vécu dans sa ville natale et de qui il a produit de très beaux livres sur leur vie et oeuvre.



James Joyce est l'auteur de chefs-d'oeuvre qui appartiennent au sommet de la littérature mondiale, ceci est notamment le cas de son "Ulysse" (1922), "Finnegans Wake" (1939) et son recueil de nouvelles "Gens de Dublin" (1914). Rien que ces 3 oeuvres ont eu une influence sur le développement de la littérature dans monde qu'il serait difficile de surestimer. Ce ne sont, en effet, pas des ouvrages simples à lire, mais du grand art.



Malheureusement, avec la mort de son petit-fils Stephen James Joyce en janvier 2020 la ligne de ses descendants s'est éteinte. Stephen (1932-2020) était le fils unique de Giorgio (plus tard prénommé George) Joyce.



Lucia Joyce n'a pas eu d'enfants, mais un bien triste sort. Après quelques années comme danseuse professionnelle et une liaison tumultueuse avec Samuel Beckett (1906-1989), le Prix Nobel littérature 1969 et connu pour son "En attendant Godot", elle a dû être enfermée en clinique psychiatrique pendant pratiquement un demi-siècle, souffrant d'une schizophrénie, constatée par l'illustre psychanalyste suisse Carl Jung.

La pauvre a été vilipendée comme "la fille folle d'un auteur de génie" et son parcours m'a tellement peiné que j'ai commandé sa biographie écrite par Carol Loeb Schloss, professeure à l'université de Stanford aux États-Unis, et que je compte lire et critiquer ici prochainement.



Pourquoi avoir choisi Ostende pour un séjour estival et familial ? Xavier Tricot avoue qu'il l'ignore, mais remarque qu'Ostende fonctionnait comme un aimant sur le beau monde après la première tuerie mondiale. Il y avait le Théâtre Royal, le grand Casino et les courses de chevaux qui attiraient les VIPS. Rien que cet été y résidaient le Chah de Perse, le Maharaja de Baruda... Et pour entretenir cette élite il y avait les ballets russes, le pianiste italien Gualtiero Volterra, le violoniste français Gabriel Bouillon, la soprano espagnole Elvira de Hidalgo (futur professeure de La Callas) ....



Au moment de l'arrivée de la famille Joyce, le journal "La Saison d'Ostende et du Littoral" dans son éditorial du 8 août 1926 s'étonnait également du nombre important de touristes.

Les Joyce se sont installés à l'Hôtel de l'Océan, face à la mer du Nord, un palace qui n'existe plus. En revanche, mon resto préféré s'appelle Restaurant de l'Océan, réputé pour ses mets de poisson à des prix raisonnables, si la folie du Brexit n'en changera pas bientôt les données.



James Joyce a écrit pendant son congé une multitude de lettres, entre autres à l'américaine Sylvia Beach (1887-1962), qui a publié, en 1922, "Ulysse" lorsque aucun éditeur britannique ou américain n'aurait touché le manuscrit de peur de la censure. Cette dame a fondé à Paris la librairie "Shakespeare and Co" à 12, rue de l'Odéon, Paris VI, qui a été un lieu de rencontre d'écrivains (Ernest Hemmingway par exemple) et d'artistes.



L'écrivain a alterné ses nombreuses lettres, dont plusieurs sont reproduites ici, avec de longues promenades.

Nora et Lucia ont pris de nombreuses photos, dont certaines sont rendues publiques pour la toute première fois.

Probablement que Giorgio, alors 21 ans, et sa soeur cadette, qui venait d'en avoir 19, sont aussi allé danser, mais il s'agit là d'une pure hypothèse, non confirmée par l'auteur.



Xavier Tricot peut se vanter d'avoir publié un petit livre (81 pages) intéressant et particulièrement agréable avec ses 17 pages de photos originales des membres de la famille Joyce et 8 pages avec des reproductions de cartes postales d'Ostende comme les Joyce ont dû l'aimer.



Le 11 août 1926, dans une lettre à un ami, le grand maître littéraire écrit : "Ceci est l'endroit de loin le meilleur où nous avons été pour les vacances d'été".

Je trouve qu'un tel compliment mérite de faire de James Joyce un citoyen d'honneur de la ville d'Ostende, si ce n'est pas encore fait.