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Citations de Yann Diener (11)


Une collègue m'explique qu'elle a de plus en plus de mal à communiquer avec ses enfants devenus adolescents. Je lui réponds, bête et méchant : "Et tu as essayé de parler avec eux ?"
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Le codage permanent, le jargon informatique qui a diffusé dans nos conversations quotidiennes et tous les sigles que nous utilisons sans trop savoir ce qu'ils recèlent, tout cela alimente notre passion de l'ignorance.
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Je n'ai pas tout compris et je pense qu'il faut déjà travailler dans ce domaine pour en comprendre les enjeux.
Mais ce que j'ai compris été intéressant.
Ce livre devrait intéressé toutes les personnes travaillant dans le médico-social et dans une moindre mesure, les enseignants et les parents.
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Formidable outil pour alimenter les mécanismes de déni, le langage machine est la nouvelle novlangue contemporaine.On l'aime, on la pratique, on l'alimente, on la consolide tous les jours, parce qu'elle nous aide à ne pas trop comprendre ce qui nous arrive.
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Yann Diener
Artaud 2.0

Vous reprendrez bien une petite tranche d’Antonin Artaud ? Ça n’est pas tant le fait que le poète et comédien avait commencé un traitement psychanalytique et qu’il l’avait interrompu au bout de dix séances qui nous intéressera aujourd’hui. Mais plutôt le fait qu’il avait prédit le transhumanisme.

En 1948, après trois ans d’internement à l’asile de Rodez, Artaud écrit un violent pamphlet destiné à être lu à la radio : Pour en finir avec le jugement de Dieu. Il veut toucher un large public, au-delà des intellectuels et des artistes qui le connaissent déjà. L’émission est programmée pour le 2 février à 22 h 45. Mais la veille, le directeur général de la Radiodiffusion française écoute l’enregistrement et en interdit aussitôt la programmation.

Il est vrai qu’Artaud n’y va pas avec le dos de la cuillère : après avoir soutenu que « l’être, c’est le caca », il pose la question de savoir si Dieu est un être. « S’il en est un, c’est de la merde. S’il n’en est pas un, il n’est pas. » Le poète déchaîné hurle et susurre, ses propos sont scandés par des glossolalies et des xylophonies tibétaines. Il commence par des considérations sur la fécondation artificielle dans les écoles américaines, où l’on pratique des prélèvements de sperme sur les enfants pour fabriquer des soldats. Parce que les Américains en ont besoin pour mener à bien leur guerre commerciale.

C’est un peu plus loin dans sa conférence hallucinée qu’Artaud soutient l’intérêt d’une vie sans organes : « On ne me croira pas, et je vois d’ici les haussements d’épaules du public, mais le nommé christ n’est autre que celui qui en face du morpion dieu, a consenti à vivre sans corps. » Alors il faut revoir l’anatomie humaine : «  L’homme est malade parce qu’il est mal construit. En le faisant passer une fois de plus, mais la dernière, sur la table d’autopsie pour lui refaire son anatomie, il faut se décider à le mettre à nu pour lui gratter cet animalcule qui le démange mortellement : dieu, et avec dieu, ses organes. Lorsque vous lui aurez fait un corps sans organes, alors vous l’aurez délivré de tous ses automatismes et rendu à sa véritable liberté1.  »

Ça ne vous rappelle rien ? Oui, à peu de chose près, c’est ce que prônent aujourd’hui les transhumanistes : pour l’instant, ils investissent beaucoup d’argent pour rendre le corps inusable, mais à plus long terme ils aspirent à s’en débarrasser. Il ne s’agit plus de faire tenir notre enveloppe terrestre 200 ou 300 ans, ça c’est déjà de la science-fiction poussiéreuse. Il s’agit de rendre possibles des esprits sans corps. Le transhumanisme est donc bien la dernière version de la religion du Christ en croix. Les extropiens – un des courants du transhumanisme –, comme le philosophe Max More, envisagent de faire migrer leur conscience dans un ordinateur ou dans un hologramme (Mélenchon, sors de ce corps !). Et Laurent Alexandre, ce médecin français qui s’intéresse beaucoup à l’intelligence artificielle, pense que dans les prochaines décennies il va falloir se battre pour garder un corps, pour ne pas devenir des intelligences sans matière2.

Artaud considérait le délire de Van Gogh comme « une issue aux étranglements que la vie lui avait préparés ». Freud, qui a montré que le délire est une tentative de guérison, pensait la même chose. Mais aujourd’hui, quand quelqu’un arrive en délirant à l’hôpital, on ne prend plus trop le temps de l’écouter, on l’assomme à coups de neuroleptiques et on le remet dans la rue : il est renvoyé aux étranglements que lui avait préparés la vie, encouragé à effacer sa singulière construction délirante pour se fondre dans le commun nuage numérique et pharmacologique.
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Mon hypothèse : cette omniprésence du codage est la marque d’un traumatisme. Ce geste qu’on répète partout sans arrêt, cette folie des codes, c’est une répétition traumatique. Mais de quel trauma ? Pour répondre à cette question, il faut situer l’invention de l’ordinateur dans son contexte historique et politique – l’ordinateur qui aurait justement tendance à ne pas avoir d’histoire, et à fonctionner sans passé. Il y a bien peu d’historiens de métier qui ont choisi l’informatique comme objet de recherche, alors que l’invention et l’expansion de cette technologie sont déterminantes pour notre histoire politique récente. Il faudra aussi aller voir du côté de ceux qui ont inventé les langages informatiques, des langages qui organisent une prédominance du codage dans tous nos échanges, dans toutes nos productions, matérielles comme intellectuelles.
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Le premier chapitre de Psychopathologie de la vie quotidienne est consacré à l'oubli des noms propres, le deuxième à l'oubli des mots en langue étrangère et le troisième à l'oubli des suites de mots. Il n'y a pas de chapitre sur l'oubli des identifiants.
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L'accélération du glissement de la psychanalyse aux psychothérapies fait qu'il est de plus en plus difficile de parler d'une pratique de la psychanalyse en institution.
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La langue psychanalytique est de nos jours plus que jamais collée au discours ambiant, elle s'organise en une novlangue psychanalytique, alors que le discours analytique est l'inverse du discours courant.
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Ni technophobe, ni technophile : je veux seulement prendre quelques notes pour les temps où nous ne pourrons plus du tout faire la différence entre la parole et la communication dont se contentent les abeilles, les ordinateurs et les DRH.
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Quand j’ai commencé à travailler à l’hôpital – c’était il y a vingt-cinq ans -, il y avait un seul ordinateur dans le service : celui de la secrétaire. Et nous avions chacun un agenda « papier ». Aujourd’hui, chaque bureau de consultation est équipé d’une machine, et l’on doit s’y coller vingt fois par jour pour consulter l’agenda « électronique ». Je ne peux pas raturer ou biffer sur l’écran comme je le fais sur un agenda papier : je ne peux pas aussi simplement noter une remarque à côté du nom d’un patient, préciser les raisons d’une absence, ou encore marquer d’une flèche le trajet d’un changement de rendez-vous – autant de traces qui ont leur intérêt clinique, mais qui sont aujourd’hui effacées, englouties par la raison informatique.
Mon premier geste quand je commence mes séances à l’hôpital n’est donc plus de parler avec un patient, mais bien de communiquer avec un ordinateur.
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