Après avoir abrité le spectacle de la marchandise - auquel rien n'échappe, pas même l'art -, après être devenues elles - mêmes un spectacle, les Expositions universelles vont désormais servir de modèle à de nouvelles urbanités. Ce qui jusqu'alors se donnait comme espace de divertissement, simulant l'architecture et l'urbanité, sort en quelque sorte d'un monde fantasmagorique pour entrer dans le réel : la fiction devient réalité.
En outre, ils soutiennent que la beauté n'est pas une affaire de privilégiés, qu'elle doit être accessible à tous, ne peut se limiter aux seuls œuvres d'art et doit s'étendre à la vie quotidienne. Enfin, ils promeuvent un dépassement de la distinction classique entre Beaux-Arts et arts appliqués au profit de l'œuvre d'art totale promue par Goethe : le Gesamtkunstwerk.
" Imaginez un espace de la taille d'une petite ville, hérissé de douzaines d'immenses bâtiments situés dans de magnifiques jardins; remplissez ces bâtiments avec tous les types de marchandises concevables et toutes les activités connues, et ce dans les plus grandes quantités possibles; entourez-les des produits miraculeux des sciences de l'ingénieur, de tribus primitives, de reconstructions de rues anciennes et de rues exotiques, de restaurants, de théâtres, de stades sportifs et de kiosques à musique. Ne lésinez pas sur la dépense. Invitez toutes les nations de la terre à prendre part à l'événement en envoyant des objets à montrer et en érigeant leurs propres bâtiments. Après six mois, rasez la ville au sol et ne laissez rien derrière vous. Préserver I'un ou l'autre point de repère.» Paul Greenhalgh . 2011
L' Art nouveau, qui vient d'émerger, y voisine en effet avec le néogothique, défendu en Belgique par le pilier catholique pour l'architecture publique, tant civile que religieuse. Le style néo-Renaissance flamande, très répandu également, prétend quant à lui au titre d'architecture nationale parce qu'il permet de se démarquer clairement de l'influence française en renouant avec une période glorieuse du «pays»
Quant à l'éclectisme, il séduit massivement une bourgeoisie qu'il rejette tant l'unité imposée par les styles «historiques» que l'Art nouveau, juge tantôt décadent tantôt trop industriel.
"(...) L'emploi du fer, de la céramique polychromée et du verre donnent aux constructions une gaieté, une fragilité apparente, une impression de confortable, de richesse et de grace qui sera, à en croire les promesses électorales de tous les partis, parfaitement en situation. Une aube lumineuse va éclairer notre vieux monde, l'égalité fera renaitre la prospérité. Les tristes casernes, les sombres prisons vont être démolies et sur ces vastes emplacements les conceptions architecturales les plus riantes vont être réalisées à l'usage des prolétaires.» Journal Le Mondain. Octobre 1894
A maints égards, les Expositions universelles seront surtout l'expression des ambivalences de leur principal promoteur, la bourgeoisie industrielle et capitaliste. Elles vont en effet promouvoir la mondialisation et l'uniformisation d'un marché où circulent très largement les innovations techniques et les marchandises et, dans le même temps, défendre des identités culturelles différenciées, exprimées en matière d'architecture principalement dans des formes appartenant à l'histoire et au territoire.
On le voit, le projet de Hankar ne se limite pas à l'architecture ; il propose ce qu'on appellerait aujourd'huI un projet urbanistique soit une petite ville mixte, tant sur le plan des fonctions que sur le plan social, dotée de services publics et de nombreux équipements collectifs modernes accessibles à tous les habitants, notamment un tramway pour les déplacements, des espaces sportits pour la santé des corps, des équipements culturels et une usine d'électricité pour l'alimentation en énergie.
Si Horta se montre flatté de l'engouement de Guimard à son égard, il semble par contre dubitatif sur son oeuvre, sans doute trop décorative à son goût. C'est du reste le sens qu'il faut accorder au fameux propos si souvent cité de Horta adressé en fait à Guimard: «Ce n'est pas la fleur, moi, que j'aime à prendre comme élément de décor: c'est la tige !".
En somme, la nouvelle organisation spatiale des Expositions universelles et la multiplication des pavillons nationaux et des reconstitutions préfigurent une mise à disposition du monde comme sil s'agissait d'un grand village.
Par ailleurs, et comme le montrent très bien les nombreux croquis conservés, les matériaux utilisés sont le fer et le verre, et l'expression architecturale est résolument Art nouveau.