Comme une femme, le Taj savait se faire désirer, dévoilant mille et une facettes, trompant le visiteur par de multiples annexes, avant de se mettre à nu et de se rendre totalement irrésistible. Je marchais seule le long du fameux bassin cent mille fois photographié. Il était vide. Ça et là, des dalles manquaient et d’autres étaient en piteux état. Sur papier glacé, rien ne transparaissait de ces petits travers à rectifier, des immanquables plis, fêlures et autres taches qu’il fallait vite corriger, pour pérenniser l’illusion d’une beauté à l’épreuve du temps. Un peu comme l’amour, dont on s’efforce de donner une image lisse et parfaite, et dont on cache les rouages devenus grinçants ou les cassures approfondies avec le temps. Pour continuer à faire rêver les autres avec ce qui a cessé de nous faire rêver. Dans le mausolée, devant les deux tombeaux posés côte à côte, mes sarcasmes n’avaient plus lieu d’être. Enfin, la magie des premiers rayons du soleil opéra. Le marbre s’enveloppa d’une teinte mi-or, mi-rose. Le Taj Mahal s’éveillait comme une amante que la nuit avait rendue plus belle encore, devant les yeux amoureux de mille prétendants.