Yasmina Khadra

C’était étrange. Mes compagnons de foi ne me manquaient pas. Si on m’avait dit, un mois plus tôt, que je pourrais me passer de mes frères, je ne l’aurais pas cru une seconde. J’avais développé une très forte addiction à leur compagnie ; j’étais une partie intégrante d’eux, indissociable de leur organisme. Cela faisait plus d’une année que je ne fréquentais qu’eux ayant rompu avec le reste du monde. Fini les bars, les cinémas, les stades de foot et les salles des fêtes. Fini les amis d’enfance qui n’avaient pas rejoint « Solidarité fraternelle ». Fini les camaraderies de naguère lorsque Belges de souche et Belges d’adoption sortaient ensemble, bras dessus, bras dessous, et partageaient les mêmes bancs dans les squares et les mêmes casse-croûte. En faisant allégeance au cheikh, je me devais de divorcer d’avec ma vie d’avant, de renier ceux qui ne pratiquaient pas la prière, de me méfier de ceux qui ne participaient pas financièrement aux projets de l’association.