Yoann Demoli

Avant d’ouvrir ce livre, il faut bien s’entendre sur ce que signifie “faire la synthèse de la sociologie de l’automobile”. Ce peut vouloir dire faire cette sociologie, ou bien faire la synthèse de ce que la discipline sociologique dit sur l’automobile. J’aurais dû m’en douter, mais il s’agit ici de la deuxième option.



Et malheureusement, jamais l’auteur ne sort de son rôle purement universitaire, avec tous les défauts des livres qui reprennent les mauvaises habitudes des articles de recherche. Sur le fond, cet ouvrage reste une simple bibliographie. Bibliographie certes très complète, ordonnée, explicative des différentes tendances qui ont pu s’opposer sur les grands éléments de la sociologie de l’auto - l’usage, la possession, l’image, les externalités liées à l’auto -, mais une bibliographie quand même. Jamais l’auteur ne donne son point de vue, et ne semble d’ailleurs pas avoir l’ambition d’ajouter quoi que ce soit à l’état de l’art qu’il dresse. Deuxième défaut typiquement universitaire : cette langue austère, qui en visant la perfection descriptive ne parvient qu’à se rendre plus absconse.



A conseiller donc seulement à ceux qui veulent soutenir un mémoire ou une thèse sur la sociologie de l’automobile : vous aurez ici une synthèse exhaustive de l’existant en sciences sociales sur notre relation à l’automobile, avec un résumé en quelques phrases des thèses d’une centaine d’auteurs. Ce qui n’est déjà pas mal, mais à la fois trop peu et trop fastidieux pour en faire une lecture agréable.

Enfin un livre qui traite de l'écologie et plus précisément des pratiques écologiques des Français du point de vue des sociologues. Travail remarquable sous plusieurs angles : un bref rappel historique de la naissance des préoccupations historiques, puis un rapport détaillé de la méthodologie et enfin, on observe si les Français sont vraiment "écolos".

Bien entendu, les auteurs s'interrogent sur qu'est-ce que veut dire être "écolo" et la différence entre se dire "écolo" et les pratiques que l'on met en œuvre afin de réduire ses émissions de carbone.

Enfin, n'oublions pas la qualité d'écriture - très simple ce qui permettra à tous de lire cet ouvrage sans difficulté.

L'automobile est tellement entrée dans nos vies, que depuis Barthes, elle est devenue un mythe. Et les mythes font naturellement partie de nos vies, voire de notre inconscient, au point que l'on n'y réfléchit plus guère. Pourtant, les deux auteurs démontrent qu'il y a eu pléthore d'études sur le sujet. Des études disparates toutefois, qui ne se concentrent que sur certains aspects, parfois à la limite de l'anecdotique, comme celle qui se concentrait sur les autocollants de pare-chocs.



Le but du livre est d'aborder toutes les facettes, et s'il montre les différents aspects de la voiture en relation avec ses utilisateurs, il a l'intérêt d'aborder également les intérêts des autres parties prenantes: les constructeurs, évidemment, les compagnies pétrolières, les assurances, ainsi que les décideurs politiques, et n'oublions pas les publicitaires (il n'est que de constater le nombre de pubs pour des bagnoles dans les magazines). Il faudrait parler aussi des hôteliers, et plus généralement de tous les services dépendants de la mobilité. Bref, tout un écosystème.



Le paysage sociologique qui s'en dégage montre une certaine complexité. Il y eut une époque où la Mercedes dénonçait le médecin ou l'avocat, ce n'est plus le cas aujourd'hui: certains riches adoptent des modèles modestes pour se fondre dans la masse, et, à l'inverse, des gens aux revenus modestes (des hommes, évidement) investissent tout dans un véhicule rutilant, amoureusement bichonné. Il en est de même pour les couleurs, la tendance est à l'uniformisation, et le gris domine...



Favorisant la mobilité, image même de la liberté, la voiture a profondément modifié la société. Capacité d'aller habiter plus loin des centre-ville bruyants, pollués, où de plus, se loger coûte cher; de trouver un travail plus rémunérateur, même s'il faut passer plus de temps pour aller bosser; et aussi, d'élargir son champ d'action, par exemple, pouvoir rencontrer son futur conjoint dans une zone bien plus grande que son petit village... Bien entendu, tous ces avantages se paient. Pollution, accidents, étalement urbain, désertification des centre-ville, artificialisation des sols,...



En bons sociologues, les auteurs procèdent à une description neutre de ce phénomène de société qu'est la voiture. Ils font appel à de nombreuses sources externes pour en dresser une analyse complète: usages de la voiture, liens entre voiture et mode de vie, violence routière, budget, innovation (voiture électrique), diffusion envers les femmes, ou selon les générations,... Seule la conclusion se risque à un constat et un souhait: la crise énergétique/climatique fait que le futur de la voiture est à débattre. Or, cela implique une réflexion profonde sur nos sociétés, dont le mode de vie est intrinsèquement lié à l'automobile. Malheureusement, à l'heure actuelle, cette discussion semble impossible...

Ils offrent, dans un petit livre dense et bien construit, un aperçu d’un siècle de sociologie sur l’automobile, essentiellement en France et aux États-Unis.
Lien : http://www.laviedesidees.fr/..