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Citation de racooninan


Accroupie au milieu du massif, j'ai approché mon visage du sol. Les deux parts de fraisier y étaient blotties, dans l'odeur de terre, d'herbe et de pollen. Je les ai observées, le regard acéré comme à travers un microscope. C'était un gâteau tout simple, dont la couche de crème était aussi épaisse que la génoise. Les rayons du soleil arrivaient derrière moi, presque chauds, éclairant uniformément la crème. Les décorations faites à la poche à douille commençaient à fondre. A coté, les pétales des pensées se pavanaient, ricanantes, leurs couleurs aussi fraîches qu'à la sortie d'un tube de peinture. L'odeur sucrée, déplacée en cet endroit, me donnait mal au cœur.

Ce que j'ai remarqué en premier, c'est la ligne noire qui s'étirait à la surface de la crème. Comme elle était très nette, j'ai d'abord cru qu'elle était immobile. Mais après deux ou trois battements de paupières j'ai distingué un nombre incalculable de pattes enchevêtrées, fines et fragiles. Les fourmis arrivaient en file indienne et butaient une première fois sur le rebord de l'assiette, avant de progresser en titubant sur la porcelaine lisse et brillante. Lorsqu'elles arrivaient à la chantilly, elles s'enfonçaient dans cette douceur fondante. Celles qui se perdaient dans ce gras opaque et blanc se débattaient pour essayer d'en sortir. Et il en arrivait tellement à la suite que c'était dégoûtant à donner la nausée.

Je n'ai pas pu m'empêcher de m'imaginer ce que cela donnerait d'avoir la bouche pleine de cette crème. En réalité, je n'avais pas très envie d'y goûter, mais c'est ma langue qui a pris l'initiative de se servir. Gorgée de soleil, la crème avait la tiédeur de ma langue. Elle s'est répandue dessus, presque liquide. Peu après, j'ai reconnu un goût sucré végétal. En même temps, les fourmis se sont mises à bouger sur ma langue et mes gencives. Leurs pattes chatouillaient mes muqueuses. Elles remuaient comme si leurs oeufs éclataient l'un après l'autre à l'intérieur de ma bouche.
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