AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Partemps


Deux tentations assaillent l’esprit, depuis la Grèce. Soit faire confiance au langage, ne
s’attacher aux faits du monde et de la vie que par le truchement de ses notions, aussi rationnellement articulées que possible, ne retenir de l’expérience vécue que ce que ce discours
organise, éclaire; soit ressentir que le filet ainsi jeté sur le lieu où l’humanité se cherche, et
semble d’ailleurs se perdre, n’en retient que des aspects, dont la valorisation nous détourne
de reconnaître le vrai réel : cette unité au-delà de toute figure, où l’existence particulière à la
fois se dissipe et s’illimite.
La première de ces deux tentations a conduit en art à la prédominance de la mimésis,
de la représentation qui se veut fidèle à une figure d’objet qui n’est en fait que ce qu’a décidé
de celui-ci le langage. Cet art de l’imitation supposée voie de la vérité a été la loi du monde
gréco-romain, puis a repris à la Renaissance, au second grand moment du projet d’organisation du monde par une parole laïque. Et quoi qu’on puisse en penser, il est encore aujourd’hui
la référence majeure, dans la mesure où la plupart des expérimentations que l’on dénomme
artistiques ne sont que des réactions de l’être parlant aux expansions, aux explorations – et aux
contradictions, aux remous – qui se marquant dans le langage.
Et a seconde grande pensée, c’est celle qui, éprise d’un absolu pressenti au-delà des
mots, fut cause, en Occident, de l’art de l’antiquité tardive et du moyen âge. À l’époque
romane, par exemple, les peintres, les sculpteurs ont dit avec force leur intuition d’une réalité foncièrement transcendante à la phrase humaine, estimée incapable du regard synthétique associable au Verbe divin ; et cela les a délivrés de tout respect pour la représentation
prétendue exacte: le concept devant s’effacer dans ces grandes trouées que font les symboles
dans le voile des apparences. Époques, ces temps des Vierges noires ou de Tournus, où la
mimésis n’a certes pas entièrement disparu, parce que la cohérence dans les notions est le
grand intermédiaire au sein de la société simplement humaine; mais où déchirer le voile prime toujours sur représenter, et attester l’absolu sur laisser libre cours au récit du monde.
C’est là un besoin qui ne cessera pas de hanter les plus grands artistes, et fera dans les temps
modernes leur ambiguïté, quand elle ne reparaît pas à visage découvert chez un Cézanne ou
un Munch, un Van Gogh, un Giacometti.
Commenter  J’apprécie          00









{* *}