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Citation de DETHYREPatricia


Ces jardins sans oiseaux, sans enfants, derrière des grilles rouillées, avaient un charme triste. Le vent s'était calmé ; les feuilles ne tombaient plus qu'avec lenteur, en crissant doucement. Parfois, dans l'encadrement de branches dépouillées, un segment du lac apparaissait, dans son bleu irréel où flottaient des blancheurs de mouettes, l'essor d'une voile. Puis l'écran se refermait... Et reprenait, après ce limpide point d'orgue, la symphonie en mineur jouée sur des notes d'or. Toutes les gammes de l'or se mêlaient dans ce concert. Etincellement de sequins d'un bouleau plein de frissons ; braise ardente des kakiers aux feuilles larges qui descendent en planant ; luminescence des jaunes disques attardés dans les tilleuls en robe d'hiver, et qui restent suspendus aux branches comme des lanternes vénitiennes. Rousseur des ormeaux ; fusées triomphales des peupliers en géantes flamberges ; veilleuses pâles des grappes que balancent les vernis du Japon sous leurs ailes orangées. Tons amortis de cuirs anciens de Cordoue aux ramures torses des chênes. Des étincelles, des phosphorescences, des lampes discrètes, des vers luisants sur l'écorce, des éclaboussements d'or, des pluies de feu.
Et cette musique des couleurs où sonnent des timbres de fanfare, l'accompagne, sur un autre clavier, l'éclat sourd des parfums de l'automne, dans ces jardins qui sentent l'humus, le bois mouillé, l'écorce amère. Arome puissant où s'exalte, avant qu'elle ne meure dans la froidure de l'hiver, toute cette harmonie du monde qu'avait chantée en notes étourdissantes la saison des épanouissements ?
Jamais je n'ai compris, comme en ces brèves semaines où la liberté m'apparaissait éblouissante et fragile comme le dernier soleil, jamais je n'ai touché avec cette bouleversante évidence l'accord profond de la nature et de nos êtres. La terre parlait, dans la splendeur de son ultime fête, le langage même de mon élan intérieur, de cette avidité à saisir ce qui ne dure qu'une heure. L'automne reste désormais pour moi la saison des poignants bonheurs qui s'enfuient, et dont on suce le suc à pleine bouche, avec une hâte sauvage où il entre de l'émerveillement et du désespoir.
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