Zhang Zhulin

Certains journalistes murmurent sur les réseaux sociaux en montrant leur désaccord, mais ils sont bien minoritaires. Dans un univers gorgé de propagande, ce terme n’est en rien péjoratif. Sous la direction du bureau de la propagande, des journalistes sont capables de transformer la pire tragédie en événement à « énergie positive ».

Lors des grandes inondations qui ont causé des dégâts colossaux dans les provinces du sud en juin 2020, la quasi-totalité des médias chinois n’en a soufflé mot, alors que les médias officiels comme CCTV se focalisaient en continu sur les émeutes suite à la mort de George Floyd aux États-Unis, délaissant complètement les catastrophes internes.

Tous les propos critiquant notre Parti, je les ai gardés en copie d’écran », peste un Chinois de Wenzhou, « je ferai un résumé de tes propos anti-PCC, anti-Chine, je les livrerai à l’Ambassade de Chine en France, avec ton adresse personnelle, je suis sûr que tu ne rentreras jamais dans ton pays natal », menace-t-il sans ménagement. Les emojis pouce en l’air pullulent dans le groupe, où les membres semblent tenaillés en permanence par la nostalgie de leur pays natal, dans un espace virtuel réputé pour s’épier les uns les autres. « Tu crois que la France est un pays clean ? Les États-Unis sont-ils justes ? » ironise ce monsieur qui vit depuis une dizaine d’années en France. « Il y a un proverbe qui dit : “pas de maman laide aux yeux d’un fils”, il attaque pourtant publiquement la Patrie », s’étonne un autre, « de plus, il est interdit de discuter de politique sur WeChat !

Le 1er juillet 2022, lors de sa visite à l’ancienne colonie britannique, le président chinois, Xi Jinping, déclare que « la pratique d’un pays, deux systèmes », depuis vingt-cinq ans à Hong Kong, « a remporté un succès mondialement reconnu ». Le président chinois a ainsi tendu la main aux vingt-trois ­millions de Taïwanais, en promettant de leur accorder le même traitement que celui réservé aux citoyens chinois. Sur ce dossier, un chercheur semi-officiel vivant à Paris propose à la France de faire un choix : soutenir publiquement la réunification de la Chine, en échange de l’aide chinoise pour lutter contre l’épidémie du Covid-19.

« Au petit déjeuner, en regardant les informations télévisées, ma cousine de 11 ans m’interroge : “Pourquoi d’autres pays sont soit inondés, soit avec de l’inflation, tant de cata­strophes, si misérables ?” Je lui demande : sommes-nous les plus heureux au monde ? Elle manifeste son accord en hochant la tête frénétiquement. »
Sur WeChat, l’un des plus importants réseaux sociaux chinois, une ex-rédactrice en chef d’un grand média chinois raconte. « En effet, rien à envier », ajoute-t-elle en anglais. Dans cet espace, probablement l’un des plus surveillés au monde, elle sait qu’elle ne peut pas en dire en plus.

Ces échanges musclés et féroces, mélange d’incongruité, de populisme, de haine, de nationalisme entre les membres d’un groupe WeChat, sont monnaie courante. Les réseaux sociaux comme WeChat sont le miroir de l’état d’esprit de cette communauté de six cent mille personnes d’origine chinoise vivant actuellement en France, majoritairement en Île-de-France. Comme les statistiques ethniques ne sont pas autorisées, il ne s’agit que d’une estimation. Certaines ont un passeport français, …

Oui, si nous croyons le sondage du Bureau national des statistiques chinois, 98,6 % des Chinois se sentent en sécurité. En 2022, l’empire du Milieu compte quelque deux milliards sept cent soixante millions de caméras de surveillance, toutefois, cela n’empêche pas Le Quotidien du peuple, l’organe du Parti communiste chinois (PCC), de dénoncer solennellement, le 20 juillet 2022, que « les Américains vivent dans un pays où la surveillance est omniprésente »

Nous sommes vendredi 12 août 2022, soit près de six mois après l’invasion de l’armée russe en Ukraine. Pékin refuse toujours d’employer ce terme d’« invasion ». Sur les réseaux sociaux chinois, des Chinois, qui vivent à l’intérieur du mur virtuel érigé par leur gouvernement, nourris des informations unidirectionnelles des médias officiels, soutiennent massivement l’action russe.

Bienvenue dans le pays le plus sûr du monde.