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Citations de Étienne de La Vaissière (4)


[Diffusion du bouddhisme, de l'Asie centrale à la Chine et vice-versa.]
C'est par l'Asie centrale que la Chine est touchée. Ce sont en effet des moines et des ambassadeurs, protecteurs nobles du bouddhisme, venus des marges du monde indien, qui, les premiers, introduisent quelques textes gândhârî en Chine au I° s de n.è. On a noté que, durant les trois premiers siècles de notre ère, les centre-asiatiques - Bactriens, Sogdiens de familles marchandes émigrées en Inde, Indo-Parthes, Khotanais, Koutchéens - forment les deux tiers des traducteurs des textes indiens en Chine. Au milieu du II°s de notre ère, le premier grand protecteur du bouddhisme en Chine est un ambassadeur parthe, An Shigao, et une génération plus tard, Lokakshema, l'introducteur du mahâyâna, est un Bactrien. En Chine du sud, au III°s, les deux grands noms sont ceux de Zhi Qian et Kang Senghui, de familles bactrienne et sogdienne d'Asie centrale ayant émigré en territoire chinois. En Chine du Nord, les deux grands traducteurs sont, à la fin du III°s, Dharmaraksha, d'une famille bactrienne de Dunhuang, puis, un siècle plus tard, Kumârajîva, prince koutchéen. Ces moines viennent souvent de familles de marchands, et étaient sans doute par leur milieu social plus habitués à parcourir les routes.

Mais ensuite, le bouddhisme se rediffuse vers l'ouest depuis la Chine. Dunhuang, dans le prolongement du Gansu, et Gaochang, à partir de sa conquête au milieu du V°s par la dynastie sinisée des Qu du Gansu - et même si le bouddhisme y est antérieur -, appartiennent en Asie centrale à ce bouddhisme chinois. La conquête chinoise d'une large part de l'Asie centrale au milieu du VII°s vient renforcer ce bouddhisme notamment par la création de monastères d'Etat, déjà évoqués au chapitre VII. L'intégration de l'Asie centrale à l'empire des Tang a des conséquences qui ne se limitent pas à ces monastères coloniaux : on constate le basculement d'une partie des réseaux marchands sogdiens vers un bouddhisme dominé par les modèles chinois. Alors que la Sogdiane était voisine de la Bactriane, le bouddhisme ne s'y était diffusé que faiblement. La plupart des textes sogdiens bouddhiques sont traduits du chinois à partir du milieu du VII°s dans les communautés sogdiennes expatriées à l'est, et non directement des langues indiennes ou du bactrien et en Sogdiane.

p. 362
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Enfin, avant d'aller plus loin, au terme de cette avalanche de noms de peuples, de villes, d'oasis et de langues, il faut souligner un dernier point : tout ce qu'on va lire ne concerne en termes d'espace que des zones géographiques marginales de l'Asie centrale. On ne dira jamais trop que les déserts, Taklamakan et Gobi, Dzoungarie, Qyzylqum et Qaraqum, les steppes arides et les montagnes, parmi les plus redoutables de la planète, forment l'essentiel de ces quelque six millions de kilomètres carrés. Ce qui est rare en Asie centrale, c'est la terre cultivée ou la bonne pâture, ce sont les zones habitées, tandis que les déserts et les montagnes se trouvent au centre aussi bien de la région que de chacune de ses composantes.

Il faut prendre conscience à l'orée de cet ouvrage de cette immensité désertique, cet espace à la fois distendu et compartimenté qu'est alors et toujours l'Asie centrale. Les régions agricoles de quelque ampleur y sont aussi rares que les hommes. (...) Cette prégnance des espaces vides et le compartimentage qui en découle, conduisent à questionner la notion même d'Asie centrale : il n'est nullement évident que l'Asie centrale existe, puisse être l'objet d'une enquête historique en tant que telle, tant y cohabitent de multiples groupes dans la plus grande des dispersions. Elle pourrait n'être qu'un espace interstitiel entre ces grands blocs de civilisation que forment l'Inde et la Chine, l'Iran et le monde des steppes. (...)

L'un des enjeux est bien de justifier l'idée même d'Asie centrale durant cette période, de montrer comment quelque chose se noue puis se dénoue entre le milieu du IV°s et le milieu du IX°s, et la manière, par-delà les interstices, dont de multiples réseaux organisent cet espace.

pp. 22-23
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Contrairement à l'image classique élaborée à partir des textes gréco-latins, la "route de la Soie" n'est pas principalement un commerce entre l'Europe et la Chine. Certes, les caravaniers centre-asiatiques touchent aux rives byzantines en mer Noire, mais ce n'est là peut-être que la plus exotique de leurs destinations, et probablement pas la plus importante, comparé à la Mongolie, à l'Inde du Nord, à l'Iran et surtout aux grandes villes de Chine. De plus, l'Asie centrale ne se réduit pas au transit, elle n'est pas seulement un point de passage nécessaire de la route de la Soie, projection d'une image de l'Ancien monde où seules compteraient les grandes puissances. En termes économiques, ces routes sont segmentées entre des points nodaux, comme Samarcande ou Gaochang, où confluent puis sont réexportées des cargaisons qui comprennent aussi bien des productions locales que de la soie chinoise, des épices indiennes, de la zibeline sibérienne ou de l'argenterie byzantine et iranienne.

p. 317
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La première islamisation (de l'Asie Centrale) : six raisons de se convertir.

La violence militaire est, on l'a dit p. 249, probablement limitée aux premiers temps de la conquête, à une stratégie de destruction des résistances, de bris des volontés. Si cette conversion par le sabre a longtemps résumé le tableau que l'historiographie faisait du processus de conversion, il semble qu'il ne faille ni la nier pour la phase initiale, ni la projeter indûment sur la longue durée : passé la phase de conquête, on ne possède aucun témoignage sur une violence d'Etat massive et généralisée, bien impossible à maintenir durablement. (...)
Il en va sans doute autrement d'une violence sociale diffuse et protégée par le pouvoir, ou tolérée, au fur et à mesure que la part des musulmans croît dans la population. On ne la saisit que très mal, à travers de petits épisodes ou détails archéologiques. A Boukhara une foule vient piller les maisons de riches marchands qui ne venaient pas à la prière. Les battants peints de divinités de leurs portes sont utilisés comme trophées et portes de la grande mosquée, après avoir effacé le visage des anciens dieux. L'archéologie de toute l'Asie centrale montre la réalité de la pratique, visant particulièrement les yeux des images des représentations préislamiques afin de les priver de leur efficace : tous les personnages de la peinture d'Afrasiab ont eu les yeux crevés à l'époque islamique - les rouges cinabre n'ont pas eu le temps de virer au noir. De même à Pendjikent de grands "Non !" en arabe s'étalent au travers des peintures sogdiennes.

p. 453
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