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3.46/5 (sur 12 notes)

Nationalité : Mexique
Né(e) à : Mexico , le 10/06/1944
Mort(e) à : Lisbonne , le 02/06/2017
Biographie :

Antonio Sarabia a fait des études d'information scientifique et technique à l'université ibéro-américaine de Mexico. Il travaille ensuite à la radio et dans la publicité. En 1978, suite à la publication d'un recueil de ses poèmes, Tres pies al gato, il décide de se consacrer à la littérature. Au début des années 1980, il déménage en Europe et partage sa vie entre Paris, Lisbonne et Guadalajara. Son premier roman, El Alba de la Muerte (1988), est finaliste pour le prix international de New Diana.

Antonio Sarabia était fasciné par l'Histoire de la colonisation et l'Espagne du XVIe siècle, thèmes que l'on retrouve dans Le ciel à belles dents (2001), mais aussi par les rêves, sujet principal des Invités du volcan (1997). Ses intrigues se déroulent à Séville, mais aussi au Mexique, son pays natal. Dans son dernier polar, La femme de tes rêves (2017, Métailié) Antonio Sarabia offre un portrait saisissant du pays, à travers l'enquête sur la mort d'un brillant footballeur menée par un journaliste sportif du Sol de Hoy.
Spécialiste de la communication, Antonio Sarabia a longtemps vécu à Paris et vit actuellement à Guadalajara.

Il est l’auteur du Ciel à belles dents (Métailié, 2001).

Antonio Sarabia est coauteur avec José Manuel Fajardo et José Ovejero de Dernières nouvelles de Noela Duarte, éd. Moisson Rouge.
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Source : Livres Hebdo
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Citations et extraits (8) Ajouter une citation
Tout a commencé, Hilario Godínez, ce matin où, en te rendant au journal, tu es tombé sur Loco Mendizábal en train de mendier sur la Plaza de Armas, abrité du soleil matinal non par les branches des arbres squelettiques mais par l’ombre dilatée de la cathédrale. Il avait récolté quelques menues pièces de monnaie dans ce qui avait été un jour la partie inférieure d’un petit carton ayant contenu des paquets de chewing-gum. Tu en as rajouté quelques-unes. Il t’a regardé de ses yeux vides, sans te dire merci, peut-être même sans te voir, totalement absorbé par le refrain délirant qu’il chantonnait en faisant la manche.

– La matière… le doute… murmurait-il en regardant les passants avec un sourire idiot. Il n’y a que des atomes… rien que des atomes… la matière… le doute… le doute… c’est des atomes, des atomes, encore et toujours des atomes… répétait-il inlassablement comme si lui seul avait eu la possibilité de les observer avec ses yeux dans le vide.

De temps à autre il interrompait son discours, le regard fixé sur une apparition invisible dans un point quelconque de l’espace, et il s’exclamait d’un ton stupéfait :

– Une molécule !… une molécule !

Cette délirante obsession pour les corpuscules invisibles qui composent l’univers t’amusait, Hilario Godínez, et tu ressentais même un certain respect pour la profonde vérité cachée derrière ce galimatias insensé. Tu avais fini par l’apprécier. Un fou philosophe. Il ne manquait plus que cela dans cette ville improbable régie par des politiciens véreux et saignée à blanc par une guerre sauvage entre les prétendues forces de l’ordre et les différentes bandes rivales de narcotrafiquants.

Par ailleurs, Loco Mendizábal n’avait pas la dégaine d’un poivrot ou d’un drogué et tu n’avais encore jamais vu de mendiant aussi propre. Ses vêtements, usés jusqu’à la corde, étaient d’une humilité sans tache. Son visage hagard ne montrait aucune trace de saleté et te rappelait quelque chose, ou quelqu’un, sans que tu puisses préciser quoi ou qui. Mais tu n’avais pas non plus passé beaucoup de temps à y réfléchir, Hilario Godínez. Pas encore.

Tu n’avais cependant jamais perdu de vue une chose : tu étais bien conscient que, en plus d’être constitué par les particules qui avaient rendu fou Mendizábal, le sang dans ton corps, quand personne ne le voit, est noir. Il coule dans les rivières de tes veines, entre les muscles, les viscères, les os, avec des détours imprévus, au-dessus d’abîmes inconnus, à la recherche d’un océan qui n’existe peut-être pas. Car, en fin de compte, cette lettre qui te parvenait ponctuellement semaine après semaine et que tu confondais parfois avec le rythme de ton cœur battant le tambour, que signifiait-elle ? Quelle main anonyme, en te l’écrivant, mettait en branle le muscle enterré dans ta poitrine ? Dans quel but inconnu ? Quelle syllabe, quel mot répétait-elle inlassablement ? Qui était l’expéditeur ? Parviendrais-tu à comprendre son langage, Hilario Godínez, avant que sa main ne tremble, avant que le rythme ne se brise ?

.......

– Te mêle pas de ça, connard !

Ça, même toi tu aurais pu te le dire, Hilario Godínez. Surtout à cette époque où tu avais commencé à prendre l’habitude de te parler à toi-même, comme si un autre moi à l’intérieur de ta tête avait remis en cause tes propres actions et pensées, mais l’avertissement venait du dehors, de l’homme avec l’épaisse veste en cuir noir et une cicatrice sur le visage. En te disant cela, il t’avait à peine lancé un regard méprisant en coin, tout en contemplant le Gros Patiño, journaliste du service des faits divers, en train de se tordre au sol sous les coups de pied des types qui, après avoir neutralisé les gardes de l’entrée, avaient fait irruption dans les locaux de la rédaction du Sol de Hoy, en envoyant valser les papiers et en multipliant bourrades, cris et insultes. Patiño protégeait son visage et sa tête avec ses bras, et il était recroquevillé pour ne pas exposer son estomac, mais les coups de pied volaient implacablement autour de lui. À la fin du passage à tabac, l’un des agresseurs tira de sa ceinture un pistolet semi-automatique et appuya le canon sombre sur le front du journaliste à moitié évanoui. Tu as presque pu sentir la dureté et la froideur du métal contre sa peau. Les salopards, as-tu pensé, ils vont le tuer, et tu as fermé les yeux dans l’attente d’une détonation qui, heureusement pour l’homme allongé au sol, ne vint pas. Au lieu du coup de feu, la voix froide et posée qui t’avait condamné à l’inaction se fit entendre :

– Voilà ce qui arrive, pauvre con, aux gros bavards qui écrivent des conneries.

La cicatrice qui défigurait ce visage t’est soudain apparue plus profonde et plus rouge qu’avant, tandis que le sinistre personnage se penchait vers l’oreille de l’homme recroquevillé à ses pieds pour être bien sûr qu’il entende ce qu’il avait encore à dire :

– La prochaine fois, pauvre con, ce sera pas des coups de pied, ce sera une balle entre les deux yeux, et tu pourras pas dire qu’on t’a pas prévenu.

Sur ce, lui tournant dédaigneusement le dos, il se dirigea vers la sortie. Les autres le suivirent, déployant sur leur passage la même violence qu’à leur arrivée, renversant par terre un autre bureau et lançant contre les murs deux ou trois ordinateurs. Quand enfin la porte se referma brutalement derrière eux, toute la rédaction demeura encore de longs instants sans bouger, paralysée de terreur. Personne ne fit la moindre tentative pour les suivre ou pour décrocher un téléphone et demander, même tardivement, l’assistance de la police.

Tu as été le premier à réagir en te penchant sur le Gros Patiño pour vérifier son état. Il respirait difficilement et avait le visage et la tête baignés de sang. Susanita, la jeune rédactrice des pages people, te regardait, livide de peur, et on entendait sangloter dans un coin doña Leonor, la secrétaire de direction.

– Appelez l’hôpital de la Luz pour qu’ils nous envoient une ambulance, ordonna don Arcadio Ríos, le directeur du journal, qui rompit le silence et lui prit le bras pour la tirer de son hébétude. Sa voix, altérée et inquiète, tentait d’imposer son autorité au milieu de la consternation générale.

..........

La police mit un certain temps à arriver jusqu’aux locaux de la rédaction du Sol de Hoy, et les ambulanciers de l’hôpital de la Luz avaient déjà emmené, non sans peine, le Gros Patiño, toujours à moitié inconscient, sur une étroite civière qui ployait sous son poids. Il était inévitable, Hilario Godínez, même si personne ne souhaitait les voir là, que les soi-disant représentants de la loi débarquent au journal pour déclencher officiellement l’enquête. Il ne vous restait plus qu’à arborer les mines de circonstance en répondant aux interrogatoires de rigueur. Personne ne prit le risque d’en dire plus que les autres. Tu as été le seul à mentionner le type avec la cicatrice sur le visage. Comment as-tu pu être aussi bête ? C’est plus fort que toi. Tout le monde savait que les notes prises par l’un ou l’autre de ces méticuleux serviteurs de l’ordre pouvaient ensuite être utilisées pour prévenir les assaillants du matin et personne ne voulait leur fournir un prétexte pour revenir se livrer à une nouvelle version, peut-être revue et augmentée, du passage à tabac dont leur collègue avait été victime.

Une fois les flics partis, non sans avoir réaffirmé l’appui des autorités et réitéré l’illusoire promesse d’arrêter au plus tôt les auteurs du délit, journalistes et employés entreprirent de réparer les dégâts et de remettre en état leur lieu de travail dévasté.

Tandis que la direction du journal s’enfermait pour discuter des événements, tu t’es retiré dans le petit bureau où tu travaillais. Le service des sports avait été miraculeusement épargné par le chaos et tout était à sa place. La poitrine et les manches encore maculées du sang du reporter blessé, tu as ouvert un exemplaire du journal du matin pour voir si son contenu était susceptible de t’éclairer un tant soit peu sur les motifs de l’agression. “Voilà ce qui arrive quand on écrit des conneries”, avait dit le sinistre personnage à la cicatrice, et tu as cherché dans les dernières pages, celles habituellement consacrées aux faits divers.

Un seul article était signé par le Gros Patiño. Il se contentait de rendre compte d’un enlèvement en s’en tenant apparemment au déroulement des faits. Deux camionnettes circulant avec des plaques volées avaient bloqué le passage du coupé décapotable de Jorge Ibarra, jeune membre de la bonne société locale, et une demi-douzaine d’hommes en armes étaient aussitôt descendus des véhicules pour arracher de son siège le conducteur qui ne s’y attendait pas et circulait même avec la capote baissée. Les témoins effrayés avaient tous déclaré la même chose. Un enlèvement express dans le plus pur style du crime organisé. La routine dans cette ville où personne ne pouvait sortir en voiture sans regarder attentivement dans son rétroviseur. La victime, un brillant étudiant en médecine, était le fils unique d’une veuve assez fortunée. À la fin de l’article, le Gros Patiño se contentait de mentionner que le délit avait été commis dans un quartier chic, où les patrouilles de police étaient nombreuses et la surveillance habituelle. Pourtant, exactement comme ce matin dans les environs du Sol de Hoy, au moment précis où les faits s’étaient déroulés, aucun policier n’était dans les parages.
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Et si ce détroit n'existait pas, "melhor dizendo", si le littoral se prolongeait sans cesse vers le nord et que tout n'était qu'une seule terre et une seule côte ?
Il y avait déjà pensé, murmura Vespucci, même s'il ne s'était pas risqué à le confier à quelqu'un d'autre. Une idée aussi énorme l’atterrait. Celle de ne pas être arrivé en Asie comme tout le monde le pensait, mais à une terre inconnue dans la partie la plus occidentale du monde, à mi-route – qui pouvait le dire ? - entre l'Europe et le Pays des Épices. Une île gigantesque, un continent peut-être, dont personne n'avait jamais entendu parler car personne jusqu'à présent n'avait traversé la Mer Ténébreuse ni n'était revenu pour le raconter. Il s'agirait alors d'un nouveau monde, que ni Colomb ni les Rois n'avaient imaginé.
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La Femme de tes Rêves, Hilario Godínez, était une perfectionniste en tout. Tant sur la forme que sur le fond. Ses rares adjectifs, bien choisis, soulignaient la belle et précise expression des idées et des sentiments. Une ribambelle de mots exacts qui jaillissaient d’un courant souterrain qui débouchait sur toi, Hilario Godínez, mais dont l’origine se perdait là-bas au loin, remontant à un mystère aussi ancien qu’épais.
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Ton grand-père n’avait qu’un défaut, Hilario Godínez : il admirait toute devise dictée par les anciens philosophes chinois, invétérés inventeurs de proverbes. Ceux-ci disaient et, en bon imprimeur qu’il était, il y croyait les yeux fermés, que la mémoire la plus riche n’arrive jamais au niveau de l’encre la plus pauvre. C’est sûrement pour cela que tu as hérité aussi bien de l’amour pour l’odeur de l’encre que pour la texture du papier. Rien ne te fait plus plaisir que de caresser et sentir un livre fraîchement imprimé. Même s’il ne te sera peut-être jamais donné de faire l’expérience avec un livre écrit par toi, quelque chose de cela se matérialise tous les jours quand tu vois sortir le journal des rotatives, avec ta chronique sportive à l’intérieur, le matin de très bonne heure.
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Les Indiens, il s'en était rendu compte durant ce dernier voyage, étaient une proie facile. Mal équipés, avec ces armes si primitives qu'elles paraissaient des jouets d'enfants. Sans protection contre les épaisses cuirasses et les tranchantes lames castillanes. Et puis, leur caractère obéissant et docile par nature ou par la force permettait de les soumettre à tout ce qu'on leur demandait. On ne pouvait pas, bien sûr, les comparer aux esclaves venus de l'est de l'Europe ni même à ceux d'Afrique. Ceux-ci étaient plus grands, plus robustes et plus résistants et s'habituaient vite aux tâches les plus dures, tandis que les Indiens étaient de constitution plus faible, plus maladive, et semblaient souffrir d'une sorte de mélancolie naturelle. Mais il suffisait de s'accorder sur le prix d'achat. Un produit bon marché, même de moindre qualité, trouvait toujours un acheteur.
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On dit que la justice est aveugle, Hilario Godínez, et que c’est pour cela qu’on la représente les yeux bandés mais, dans ton pays, la justice consiste surtout à éviter d’avoir les yeux bandés et à les garder toujours grand ouverts pour repérer le moment exact où il vaut mieux regarder ailleurs.
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La sphère comme représentation allégorique de l’atome et du monde. Toute boule est en somme une minuscule planète qui oscille de-ci et de-là, en un incessant et frénétique va-et-vient, entre les pieds des joueurs ou les pattes des chevaux, tour à tour triturée, frappée, malmenée. Tout comme le globe terrestre, entre guerres ouvertes et cachées, menaces atomiques, catastrophes ethniques, espèces en voie de disparition, raz-de-marée et réchauffement climatique.
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Tu étais passionné de foot depuis l’enfance et dans ton nouveau refuge journalistique tu as fait de ce goût prononcé ta spécialité. Très vite tu as eu droit à ta propre chronique que tu as intitulée De but en but, en hommage à un livre de Wenceslao Fernández Flórez qui avait fait les délices de ta jeunesse.
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