Ceux que nous aimons dès notre plus jeune âge
ne peuvent être mis à l'écart, ni oubliés.
Après leur mort, il nous faut les pleurer encore
jusqu'à l'épuisement, il faut qu'irrégulières les larmes
coulent le long du visage,
épousant ses débordements, s'infiltrant
dans ses cratères, confirmant
que l'absent ne sera plus présent,
jamais plus. Alors celui que nous avons perdu
peut-il s'éployer, les mille et mille
moments de sa présence désormais libres
de se disséminer dans la conscience, comme la neige
amassée la nuit durant sur une branche d'épicéa
qui en milieu de matinée éclate
en scintillements poudrés dans la lumière du soleil.
Plante à cinq fleurs,
je t'ai prise ici avec moi
car tu ne seras peut-être plus en fleurs quand je repartirai,
tu ne fleuriras jamais plus peut-être.
J'ai observé chacun de tes bourgeons grossir,
comme l'eau retenue par une paupière d'enfant, qui va faire floc,
comme un chat dans la gorge qui éclot en sanglot,
une centaine de sanglots, certains soirs, dans la gorge d'un ténor.
Or ces bourgeons
ont donné de telles fleurs
que je souhaite en tirer un enseignement: le temps des souffrances
n'est pas forcément le temps de l'anéantissement.
Plante à cinq fleurs
La dentellière épuisée, presque centenaire,
passe à bicyclette, rassemble tout ce qu'elle a dans la bouche,
d'un coup de langue le catapulte contre le portail de l'usine,
s'éloigne dans un bruit de ferraille. La trajectoire d'or éperonne
son arc de mépris, traverse la mémoire d'un enfant.
La tragédie des briques