J'ai aimé le début et la fin, mais entre les deux je me suis plutôt ennuyée.
Bien accrochée par le premier poème, qui imprime avec force dans nos esprits l'image de cette sortie d'usine du midi, avec ses bruits de sirène, de ventres affamés, de ferraille, avec ce crachat d'une dentellière épuisée contre le portail. J'ai trouvé
Galway Kinnell très bon dans la dimension sociale de la première partie du recueil, ce n'est pas toujours si évident à réussir en poésie. le travail sans répit, répétitif, donne au poème un rythme saccadé, haletant, qui nous embarque dans cette «tragédie des briques»:
«enduis soulève lâche enduis soulève lâche»
On se prend à la page suivante un contraste assez frappant avec l'évocation des joggeurs - mais on reste toujours aussi loin du Paradis:
«Ils courent par plaisir dans un monde où tous les hommes d'antan posaient des briques pour gagner leur vie.
Leur visage dit que l'enfer existe et qu'ils l'atteindront.»
Sphère sociale et sphère intime se rejoignent d'une belle façon à la fin de la première partie, dans «Souvenirs de mon père»:
«Je ne veux plus retourner dans cet établi
qui sent la sciure d'épicéa, où la voix
intime des choses se brise, puis s'altère, jamais plus.»
Après j'ai trouvé ça plus plat, jusqu'à la très belle évocation de la solitude qui ferme le recueil, la contemplation du monde animal, l'écoute de ses cris spirituels «piwit-fibi!», qu'on finit par entendre telles des voix intérieures, l'amertume du misanthrope convoitant «le calme de la matière minérale/pour une dissolution de soi qu'on ne sait peut-être interrompre» jusqu'à ce que revienne le désir de
«vivre à nouveau parmi les hommes et les femmes,
retrouver ce lieu où les liens qu'on avait avec l'humain
se sont brisés».