Antonio Vivaldi. Le Gloria.
De charmantes pensionnaires et un prodigieux vieillard
De passage à Venise en 1739, Charles de Brosses nous livre de précieux témoignages :
- sur la musique dans les Ospedale : « La musique transcendante ici est celle des hôpitaux. Il y en a quatre, tous composés de filles bâtardes ou orphelines, et de celles que leurs parents ne sont pas en état d’élever. Elles sont élevées aux dépens de l’État, et on les exerce uniquement à exceller dans la musique. Aussi chantent-elles comme des anges, et jouent du violon, de la flûte, de l’orgue, du hautbois, du violoncelle, du basson ; bref, il n’y a si gros instrument qui puisse leur faire peur. Elles sont cloîtrées en façon de religieuses. Ce sont elles seules qui exécutent, et chaque concert est composé d’une quarantaine de filles. Je vous jure qu’il n’y a rien de si plaisant que de voir une jeune et jolie religieuse, en habit blanc, avec un bouquet de grenades sur l’oreille, conduire l’orchestre et battre la mesure avec toute la grâce et la précision imaginables. Leurs voix sont adorables pour la tournure et la légèreté ; car on ne sait ici ce que c’est que rondeur et sons filés à la française. (…) Celui des quatre hôpitaux où je vais le plus souvent et où je m’amuse le mieux, c’est l’hôpital de la Piété ; c’est aussi le premier pour la perfection des symphonies. »
- sur le maestro : « Vivaldi s’est fait de mes amis intimes pour me vendre des concertos bien cher. Il y a en partie réussi, et moi, à ce que je désirais, qui était de l’entendre et d’avoir souvent de bonnes récréations musicales : c’est un vieillard, qui a une furie de composition prodigieuse. Je l’ai ouï se faire fort de composer un concerto, avec toutes ses parties, plus promptement qu’un copiste ne le pourrait copier. J’ai trouvé à mon grand étonnement, qu’il n’est pas aussi estimé qu’il le mérite en ce pays-ci, où tout est de mode, où l’on entend ses ouvrages depuis trop longtemps, et où la musique de l’année précédente n’est plus de recette. »
Les manuscrits de Turin
La Bibliothèque Universitaire de Turin possède la plus importante collection de partitions autographes de Vivaldi. L’histoire de son acquisition est elle-même si extraordinaire qu’on pourrait la croire tirée d’un roman.
En 1926, le recteur d’un modeste collège voulut entreprendre des travaux de réparation dans son établissement. Il eut l’idée, pour financer l’opération, de vendre de vieux ouvrages de musique que possédait la bibliothèque du collège. Afin de connaître le prix qu’il pourrait en tirer, il soumit leur expertise au musicologue et directeur de la Bibliothèque Universitaire de Turin.
Il s’avéra que, parmi les volumes de la collection, 14 rassemblaient des partitions de Vivaldi, musicien alors peu connu du grand public ; il y avait aussi des œuvres d’autres compositeurs. Soucieux de ne pas voir disperser une collection aussi exceptionnelle, on trouva une solution pour la faire acquérir par la Bibliothèque de Turin. Après examen des manuscrits vivaldiens, on découvrit que, selon toute évidence, ceux-ci faisaient partie d’une collection plus importante. Grâce à l’aide de généalogistes, on identifia en 1930 le possesseur des autres volumes de la collection initiale qui comptait 13 nouveaux volumes d’œuvres de Vivaldi.
Les deux fonds ainsi rassemblés contenaient 30 cantates profanes, 42 pièces sacrées, 20 opéras, 307 pièces instrumentales et l’oratorio Juditha triumphans, soit un total de 450 pièces dont la quasi-totalité de la musique d’opéra.
Les musicologues ne purent exploiter rapidement cette découverte exceptionnelle, car le directeur de la Bibliothèque de Turin, auquel les droits d’étude et de publication avaient été expressément réservés, était juif et comme tel, interdit d’activité par les lois raciales de l’Italie fasciste. C’est donc seulement après la Seconde Guerre mondiale que ce fantastique ensemble de manuscrits put enfin être exploité.
À propos de son Opéra "Orlando finto pazzo", il dit :
"Si celui-ci ne plaît pas, je ne veux plus écrire de musique"
Un prêtre pas très catholique
Et oui ! Le célèbre auteur des Quatre saisons était prêtre : c’est sa chevelure flamboyante et son tempérament volcanique qui lui ont donné son surnom Il prete rosso (le "prêtre roux"). Plus intéressé par la musique que par le service religieux, il quitta un jour l’office précipitamment pour noter un thème. Convoqué par le tribunal de l’inquisition, il prétexta des crises d’asthme. Il fut condamné à ne plus dire la messe...ce qui l’arrangeait plutôt !