On s’est accoutumé à considérer la Renaissance dans les pays latins comme la période classique de la mystique chrétienne. Nous n’y contredirons pas, car nous prétendons ne le céder à personne en admiration pour des maîtres comme saint Jean de la Croix et sainte Thérèse. Il est permis néanmoins de se demander si l’interprétation théorique de leurs écrits ne peut s’éclairer utilement de la doctrine mystique des époques antérieures.
Témoins de la spiritualité traditionnelle des Églises occidentales, les écrits de saint Augustin (354-430) reflètent une vie intérieure singulièrement élevée et constituent une des sources d’inspiration les plus importantes de la mystique chrétienne. Ils offrent cette particularité d’adopter largement, pour décrire les phases de la contemplation surnaturelle, le vocabulaire et les cadres de la métaphysique plotinienne.
La nécessité d’exprimer, de contrôler et, jusqu’à un certain point, d’organiser l’expérience religieuse individuelle, contraignit très tôt de faire, à la spéculation philosophique, l’emprunt de formules et de doctrines. De cette élaboration théorique, s’ajoutant aux illusions toujours possibles de la fantaisie individuelle, naissait, pour la mystique, un risque sérieux de déviations.