Il nettoie tout, fin prêt pour la nouvelle saison. Des journées remplies, il se sent bien, il se sent vivre. En harmonie. C’est la première fois qu’il expérimente pleinement les bienfaits du travail manuel, il en vient même à aimer les écorchures sur ses mains. Quoique aujourd’hui, il commence à penser qu’il pourrait porter des gants. Le travail physique lui donne un sentiment d’utilité. Les mains tendues au-dessus du petit feu qui consume les branchages de l’hiver, il a l’impression de renaître de ses cendres.
Il nettoyait lui-même sa maison, c’est pas sorcier de savoir si c’est propre ou pas. Il ouvrit encore toutes les fenêtres pour renouveler l’air. « Dialyser l’air de ma demeure, comme on régénère le sang d’un corps malade », se disait-il.
Après une bonne nuit de sommeil dans un lit rafraîchi, il sortit, café en main, respirer l’air vif du matin. Il admirait la forêt. Au moins, il lui restait une forêt. Pas les centaines d’acres qu’il avait déjà possédées, mais le Bois des songes a quand même plusieurs kilomètres carrés, suffisamment en tout cas pour s’y perdre et rencontrer un ours. Sa forêt. Elle était là, juste devant lui, derrière lui, elle l’entourait. Lui qui, la veille, se croyait si démuni, il avait une forêt à lui tout seul et une rivière qui la serpente. « Cette rivière, parfois si dévastatrice, pensait-il, mais qui sait, à l’été, se faire belle comme un poème d’amour… »
Il faut prendre à la vie sans attendre qu’elle nous cède.
Charles Rousseau
Il a voulu écrire cette expérience comme un voyage initiatique, marquant son entrée dans l’univers littéraire. Mais ses écrits le conduisaient sans cesse dans ses propres décombres, loin de la grandeur des pyramides et du Nil. Il s’est « royalement fourvoyé », dans l’écriture comme dans la réalité où il a naïvement cru que Lorraine pourrait l’aimer à nouveau.
Ses écrits l’ont conduit là où il n’avait su aller jusqu’au bout : le fond du remous qui devait l’emporter à tout jamais. Il s’est retrouvé confronté à ses propres démons.
C’est pas parce qu’on a des mains de pianiste qu’on est virtuose.