Alors commença l'enrôlement. On tarifa à huit cents roubles le prix de l'exemption du service par tête de Cosaque, c'est-à-dire que ces huit cents roubles devaient être payés à la commune, laquelle les donnait au remplaçant volontaire. Elle n'admettait, du reste, de motif d'exemption d'aucune sorte. Celui qui était levé devait partir ou payer. Que pouvait faire Podgornoff, lui qui n'avait pas même deux cents roubles à sa disposition, et qui ne pouvait alléguer ni son âge avancé, ni les infirmités, puisque aucune raison, bonne ou mauvaise n'était admissible ? Accepter cette nouvelle épreuve avec résignation, et recommencer la vie de soldat. C'est ce qu'il fit.
La femme de Podgarnoff avait aussi grand soin de mettre la ceinture à ses enfants, et elle les corrigeait vertement si l'un venait à la délier ou à la perdre ; car, dans l'autre monde, selon la croyance, c'est au moyen de cette ceinture qu'on pourra distinguer les enfants orthodoxes des enfants non baptisés des Tartares, et, quand ils se promèneront dans les vastes et merveilleux jardins célestes, où ils ont la mission de cueillir des raisins, ils pourront les garder sous la chemise contre leurs poitrines, tandis que les Tartares ne peuvent les cacher nulle part.